Les conventions démocrate et républicaine marquent traditionnellement le début de la dernière ligne droite de la campagne présidentielle et permettent de fixer le cadre du débat politique, au moins pour la période qui les suit immédiatement1L’année 2020 a connu tellement de rebondissements qu’on se gardera de prédire le déroulement des deux mois de campagne restants….
La convention démocrate a été considérée comme une réussite et la campagne Biden a enregistré une collecte de fonds record sur le mois d’août, à laquelle la nomination comme colistière de Kamala Harris n’est sans doute pas étrangère. Ceci lui ouvre des perspectives pour mener une campagne télévisée et digitale active dans de nombreux états. Mais c’est cependant le narratif de la convention républicaine, selon lequel Biden entraînerait le pays dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité qui a donné le ton de la campagne et du débat politique de ces derniers jours.
Parce que la convention républicaine est intervenue après la convention démocrate, mais surtout parce que ce message est directement entré en résonance avec l’actualité immédiate et les événements de Kenosha et Portland.
La très grave bavure policière (pour mémoire, un policier, filmé par plusieurs passants, a tiré à bout portant sept balles dans le dos Jacob Blake, un père de famille afro-américain qui avait pour seul tort de paraître en colère et de se diriger vers sa voiture, le paralysant à vie) de Kenosha le 23 août, à la veille du début de la convention républicaine, a relancé dans tout le pays une vague de manifestations du mouvement « Black Lives Matter », avec son cortège d’incidents.
En premier lieu à Kenosha, avec des émeutes et des pillages, rapidement contrôlés, mais aussi l’assassinat (lui aussi filmé) le 25 août de deux manifestants par un adolescent faisant partie d’un groupe de miliciens s’étant organisé pour « défendre » la ville contre d’éventuels saccages.
Et à Portland, c’est cette fois un militant anti- « Black Lives Matter », venu contre-manifester le 29 août, qui a été tué par balles dans des circonstances qui restent encore à éclaircir. Or Portland, ville traditionnellement militante dans laquelle les manifestations « Black Lives Matter », peut-être les plus intenses du pays, étaient quotidiennes depuis la mort de George Floyd, avait déjà été prise comme symbole de l’anarchie par le Président Trump. Il avait ainsi critiqué à de multiples reprises les autorités locales et avait fini par envoyer sur place des forces de l’ordre fédérales, au prétexte de protéger les bâtiments fédéraux, suscitant l’émotion partout dans le pays, tant l’intervention fédérale dans le maintien de l’ordre est perçue négativement aux Etats-Unis2On en parlait ici quelques jours après la mort de George Floyd..
Venant après plus de trois mois de manifestations – et de débordements, limités mais significatifs dans certaines villes – après la mort de George Floyd fin mai, ce regain de tensions pourrait bien être la « goutte qui fait déborder le vase »… mais quel vase ? Et avec quelles conséquences électorales ?
Est-ce la bavure de trop pour les minorités et notamment les afro-américains, et les progressistes ? Eux qui constatent que trois mois de mouvements intenses, de sensibilisation de l’opinion publique, de focalisation sur le comportement des forces de l’ordre, n’ont finalement rien changé à la situation : des policiers en service continuent à décharger leurs armes ou à user d’une violence disproportionnée sur des afro-américains qui ne présentent manifestement aucun danger immédiat.
Ce sentiment de ras-le-bol qui paraît dépasser encore l’émotion déjà immense suscitée par la mort de George Floyd, ce sont les sportifs professionnels qui l’ont sans doute exprimé le mieux. Considérant que les manifestations de solidarité avec le mouvement « Black Lives Matter » effectuées depuis quelques semaines (via des maillots affichant des slogans de soutien par exemple) ne suffisaient plus, ils ont décidé, à l’initiative de l’équipe des Bucks de Milwaukee, basée dans le Wisconsin, de refuser de poursuivre la saison en expliquant qu’ils ne voyaient plus beaucoup de sens à continuer à ce type de divertissement dans un pays où la police tue les afro-américains.
Ils ont alors été suivi par d’autres sportifs (basket féminin, soccer) mais aussi par plusieurs équipes de base-ball, ce qui a marqué les esprits s’agissant d’un sport traditionnellement moins politisé et au sein duquel, contrairement au basket, les joueurs afro-américains sont minoritaires. Si les basketteurs ont finalement accepté de reprendre la compétition, non sans annoncer qu’ils prendraient une part active à la campagne (notamment pour encourager leurs concitoyens à voter ou pour mettre à disposition leurs stades pour accueillir des centres de vote), ces actions ont eu un retentissement très important dans l’opinion publique3On pense à la déclaration de l’entraîneur des Clippers de Los Angeles, Doc Rivers, par exemple. – on attend aussi de voir si les joueurs de football américain, très mobilisés après la mort de George Floyd, vont mener des actions symboliques lors du lancement de la compétition prévue le 10 septembre4Le Président Trump a mis une pression énorme sur les organisateurs pour que la compétition commence en septembre comme chaque année, afin de que la pandémie n’est qu’un mauvais souvenir. On attend avec impatience sa réaction si les premiers matchs deviennent une tribune du mouvement “Black Lives Matter”..
Il faut dire aussi que tout ceci est arrivé près de la date du 28 août, fortement symbolique pour la lutte pour les droits civiques. C’est la date de la mort d’Emmet Till, en 1955, adolescent afro-américain de 14 ans lynché dans le Mississippi, dont la mère avait souhaité laisser le cercueil ouvert lors des funérailles pour que tout le monde puisse voir les sévices qu’avait subi son fils5Les meurtriers avaient été ensuite acquittés par un jury local exclusivement blanc., dont le nom est devenu une des emblèmes du combat contre la ségrégation.
C’est aussi la date de grande la marche organisée à Washington en 1963 par Martin Luther King, au cours de laquelle il prononça le fameux discours « I have a dream ». Des figures historiques du mouvement des droits civiques6Dont le révérend Al Sharpton, qui avait prononcé l’oraison funèbre de George Floyd début juin. se sont réunies pour organiser une grande manifestation à Washington suite à la mort de George Floyd, laquelle manifestation a de ce fait eu un écho amplifié.
C’est aussi ce jour-là que la ligue de base-ball avait prévu de fêter cette année la mémoire de Jackie Robinson, premier joueur de base-ball afro-américain « autorisé » en 1947 à participer à la compétition majeure de ce sport marqué jusque-là par la ségrégation7Habituellement, la commémoration a lieu le 15 avril, en mémoire du 15 avril 1947, date de son premier match dans la « major league of baseball ». Mais le 15 avril, les compétitions de baseball étaient suspendues pour cause de pandémie. La ligue s’est reporté sur le 28 août, date à laquelle les Dodgers avait proposé un contrat à Robinson.. On notera aussi que c’est ce jour-là qu’est décédé l’acteur Chadwick Boseman, qui avait justement incarné Jackie Robinson à l’écran, et qui était aussi la vedette du film « Black Panther », qui avait, en mettant en scène le premier super-héros noir – un « roi » africain – de l’histoire des « blockbusters », marqué les esprits et suscité beaucoup d’espoir sur le changement de représentation des afro-américains aux Etats-Unis.
L’émotion, du côté de la communauté afro-américaine, mais aussi largement au-delà, est donc bien réelle. Mais quelles en seront les conséquences électorales ? Cela peut-il profiter à Biden, qui n’a pas hésité depuis plusieurs mois à dénoncer le racisme systémique et les violences policières, mais qui semble déjà avoir fait le plein des voix afro-américaines ? Le niveau de participation des électeurs afro-américains en sera-t-il dopé ?
Ou, au contraire, alors que le Congrès, qui avait promis d’agir rapidement après la mort de George Floyd sur les violences policières, n’a toujours pas trouvé d’accord, cet événement peut-il radicaliser les protestataires et les détourner du vote, malgré les rappels incessants des stars du sport américain ou de Barack Obama pendant la convention démocrate sur l’importance du vote pour changer les choses ?
En réalité, c’est surtout la réaction du reste de l’électorat, et notamment l’électorat blanc non progressiste, qui suscite des interrogations.
Car du côté de Trump et son entourage, loin de craindre l’impact de la mobilisation des sportifs (cf. les réactions du Président sur twitter ou en conférence de presse ou de son gendre et conseiller Jared Kuchner critiquant l’attitude des joueurs de la NBA) ou de saisir l’occasion pour (enfin) dénoncer les inégalités raciales, on a immédiatement insisté sur le slogan « law and order » (pour « la loi et l’ordre ») et on fait clairement le pari que les événements de Kenosha sont la goutte qui fait déborder le vase des américains ordinaires qui en ont assez des manifestations et des incidents.
Donald Trump semble avoir toujours considéré que l’adhésion au mouvement « Black Lives Matter » enregistrée dans les sondages ne reflétait pas la réalité. D’abord parce qu’il ne croit pas aux sondages (il invoque régulièrement leur faillite en 2016), mais surtout parce qu’il considère que, de la même manière qu’en 2016, certains sondés n’auraient pas osé dire qu’ils comptaient voter Trump, le poids du « politiquement correct » obligeant les personnes interrogées à déclarer qu’elles soutiennent le mouvement « Black Lives Matter » ou à dénoncer le racisme et les violences policières. Alors qu’au fond d’eux-mêmes, de nombreux américains ont effectivement peur de l’anarchie, des manifestations, d’ouvrir les débats sur les questions raciales, etc.
Par ailleurs, de même qu’en 2016, une partie du vote Trump s’expliquait comme un retour de bâton après des années Obama focalisées (au moins dans le discours) sur les droits des minorités et les injustices qui les frappent, Trump mise peut-être sur le fait que certains électeurs considèrent que la question raciale occupe une place trop importante dans le débat public, alors même que la pandémie n’est pas maîtrisée et que la situation économique, notamment en matière d’emplois, reste très préoccupante (le paradoxe étant que c’est bien le Président qui met le sujet racial en avant dans la campagne pour justement éviter de parler des crises sanitaire et économique…).
Le pari est clair : certains électeurs en auraient assez des manifestations, des incidents et des violences. Et cela peut prendre le pas, dans leurs critères de vote, sur leur inquiétude vis-à-vis de la crise sanitaire ou de la situation économique, ou la piètre image qu’ils auraient du Président.
Dès lors, la stratégie du camp Trump est simple : amplifier et dramatiser autant que possibles les incidents pour agiter le spectre de l’anarchie – il peut compter à ce sujet sur les relais de Fox News8On pourrait comparer le traitement des manifestations « Black Lives Matter » par FoxNews à celui réservé par cette même chaîne aux émeutes de 2005 en France, quand Paris dans son ensemble était présentée comme une « no-go zone »., reléguer au second plan les événements qui les ont déclenchés, et enfin faire passer Biden pour un laxiste qui soutient aveuglément les manifestants.
La célèbre9Pour avoir inventé le concept des « alternative facts » mais aussi parce que son mari est un républicain anti-Trump très actif. conseillère en communication du Président, Kellyanne Conway ne s’en est pas cachée puisqu’elle n’a pas hésité à déclarer qu’une flambée de violence était de l’intérêt du Président.
Comme à son habitude Donald Trump tente de jouer gagnant – gagnant : si les violences augmentent et continuent, cela accrédite son discours sur la peur de l’anarchie. Si elles cessent, il explique – comme il le fait depuis les premiers débordements après la mort de George Floyd – que c’est grâce à son intervention et sa fermeté que le calme est revenu, alors même qu’il a finalement très peu de leviers puisque le maintien de l’ordre relève des exécutifs locaux (il a ainsi revendiqué d’avoir mobilisé dans plusieurs cas la garde nationale, de façon mensongère puisque cela relève des gouverneurs).
La volonté de mettre en avant les violences et la peur de l’anarchie était déjà un des messages clés de la convention républicaine, au cours de laquelle aucun orateur n’avait d’ailleurs mentionné le nom de Jacob Blake ni repris à son compte le slogan « Black Lives Matter ».
Les discours de Donald Trump et de son vice-président Mike Pence étaient d’ailleurs édifiants en ce sens, notamment par leur soutien total et sans la moindre nuance aux forces de l’ordre, et l’absence de référence aux violences policières ou au racisme (Pence dénonçant plutôt les déclarations de Biden évoquant l’existence d’un « racisme systémique » dans certaines institutions).
Mon administration se tiendra toujours aux côtés des hommes et des femmes membres des forces de l’ordre. Chaque jour, des policiers risquent leurs vies pour nous protéger, et chaque année, ils sont nombreux à sacrifier leur vie dans l’exercice de leur fonction. […]
Tant que je serai Président, je défendrai le droit absolu qu’a chaque citoyen américain de vivre en sécurité, dans la dignité et en paix. Si le parti démocrate veut choisir le camp des anarchistes, des agitateurs, des émeutiers, des pillards et de ceux qui brûlent des drapeaux, c’est leur affaire, mais moi, en tant que Président, je ne ferai pas cela. Le Parti républicain restera la voix des héros patriotes qui protègent l’Amérique.
Donald Trump, dans son discours à la convention républicaine le 27 août
La semaine dernière [pendant la convention démocrate], Joe Biden n’a pas dit un mot de la violence et du chaos qui déferlent sur les villes dans tout notre pays. Je vais être clair : la violence doit s’arrêter, que ce soit à Minneapolis, Portland ou Kenosha. Trop de héros sont morts en défendant nos libertés pour accepter de voir des américains se battre. Nous imposerons la loi et l’ordre dans les rues des Etats-Unis.
Le Président Trump et moi-même savons que les hommes et les femmes qui portent l’uniforme des forces de l’ordre sont les meilleurs d’entre nous. Ils mettent leur vie en jeu chaque jour […]
Joe Biden dit qu’il existe un racisme systémique. Et que le maintien de l’ordre a, je le cite, un « biais implicite » envers les minorités.
La vérité, c’est que vous ne serez pas en sûreté dans l’Amérique de Joe Biden. Dans celle du Président Trump, nous nous tiendrons sur la « thin blue line » et nous ne baisserons pas le budget de la police, ni maintenant, ni plus tard.
Mike Pence, le 26 août, pendant la convention républicaine
Autant dire, de quoi provoquer les partisans du mouvement « Black Lives Matter », mais aussi exciter ceux qui proclament que « Blue Lives Matter » pour défendre les policiers. L’utilisation des termes « Thin Blue Line » par Pence n’était pas innocente : il s’agit de reprendre à son compte un des symboles, habituellement utilisé par les policiers pour expliquer qu’ils sont la « ligne » de défense contre le désordre, devenu peu à peu un symbole de l’opposition aux manifestations contre le racisme et les violences policières.
La visite du Président à Kenosha le 31 aout a complètement confirmé cette option : Donald Trump a parlé à la presse, entouré de policiers, devant un immeuble saccagé par les débordements des manifestants, pour expliquer qu’une réponse ferme des autorités locales aurait évité les pillages. Il n’a bien sûr pas mentionné Jacob Blake ni rencontré sa famille (qui organisait pendant ce temps un contre-événement pour inscrire de nouveaux électeurs sur les listes électorales).
Mais il s’agit aussi de réussir à imposer dans l’opinion publique le portrait d’un Joe Biden soutenant les protestations et les violences, laxiste et aux mains de l’aile progressiste du parti démocrate qui voudrait « abolir la police »10Sans hésiter, les républicains ont substitué au slogan « defund the police » – i.e. « baisser le budget de la police », qui n’est d’ailleurs pas endossé en tant que tel par le parti démocrate, la formule « abolish the police » – i.e. « supprimer la police », revendication portée par une minorité de mouvements d’extrême-gauche..
D’où une insistance permanente non seulement sur de prétendues positions laxistes de Biden mais surtout – c’est un leitmotiv des tweets du Président depuis la mort de George Floyd11Cela a commencé par des attaques du maire Minneapolis, puis Seattle lors de la création d’une ZAD, puis Atlanta, Portland, etc. – sur le fait que les manifestations et les incidents de ces derniers mois ont lieu dans des villes dirigées par des démocrates, en mentionnant au passage la hausse (réelle) de la criminalité dans certaines grandes villes démocrates comme Chicago ou New York, supposée être le fruit d’un manque de soutien aux forces de l’ordre et/ou d’instructions laxistes, etc12Côté démocrate, on explique que les raisons de cette hausse de la criminalité sont plutôt à rechercher du côté des crises économiques et sanitaires en cours..
L’aspect le plus dangereux du programme de Biden réside dans ses attaques contre l’ordre public. Le document conjoint de Biden et Bernie appelle à supprimer le système des libérations sous cautions, ce qui relâcherait immédiatement 400 000 criminels dans vos rues et vos quartiers. Quand on lui demande s’il soutient les propositions de réduction du budget de la police, Joe Biden répond « oui, tout à fait ».[…]
Ne vous y trompez pas : si vous donnez le pouvoir à Joe Biden, la gauche radicale va diminuer le budget de la police dans toute l’Amérique. Ils passeront des lois pour affaiblir le maintien de l’ordre partout en Amérique. Ils rendront toutes les villes semblables à Portland, Oregon, qu’ils dirigent. Personne ne sera en sécurité dans l’Amérique de Joe Biden.
Pendant leur convention, Joe Biden et ses soutiens n’ont pas dit un mot des émeutiers et des criminels qui sèment le chaos dans les villes dirigées par les démocrates. L’équipe de Biden n’a pas condamné l’anarchie et le chaos qui règnent à Minneapolis, Chicago et ailleurs. Au contraire, ils la financent : au moins 13 membres de l’équipe Biden ont fait des dons à un fonds qui paient les cautions des vandales, des incendiaires, des pillards et des émeutiers et les libèrent de prison.
L’an dernier, plus de 1000 afro-américains ont été tués par la violence criminelle dans seulement quatre villes démocrates. Les 10 villes américaines les plus dangereuses sont dirigées par des démocrates et cela depuis des dizaines d’années. Des milliers d’afro-américains sont victimes de la violence criminelle dans ces quartiers. Joe Biden et la gauche ignorent ces victimes américaines. Je ne les ignorerai jamais13On notera que côté Biden, on utilise exactement la même formulation sur la pandémie..
Si la gauche radicale parvient au pouvoir, ils appliqueront ces politiques désastreuses à toutes les villes, villages et banlieues des Etats-Unis.
Donald Trump, discours de clôture de la convention républicaine le 27 août
Nota bene : l'auteur est conscient de la longueur des extraits de discours cités dans les récentes chroniques. Mais il lui semble que le choix des mots dans ces discours travaillés du Président, de son vice-Président, de Joe Biden ou de Barack Obama a vraiment un sens. C'est peut-être une façon aussi de marquer son désaccord avec la réduction de la politique et du débat d'idées à des échanges de tweets.
Dans le camp Biden, on avait vu venir le danger depuis longtemps, choisissant très vite après la mort de George Floyd de refuser de reprendre à son compte les appels à diminuer les financements des forces de l’ordre, quitte à décevoir une partie des militants de l’aile gauche du parti démocrate et les mouvements progressistes les plus actifs sur le sujet.
Dans la mesure où lors de la convention démocrate, les discours avaient surtout insisté sur le soutien au mouvement « Black Lives Matter » et sur la nécessité de résoudre la question des inégalités raciales, sans vraiment porter un message dénonçant les violences ou les pillages, Biden a très rapidement rectifié le tir suite au drame de Kenosha et réaffirmé très clairement sa position dans une déclaration le 26 août (soit pendant la convention républicaine), puis à nouveau à Pittsburgh le 31 août.
Nous devons nous opposer à la violence sous toutes ses formes. La violence que nous avons vu encore, encore et encore, des tirs de policiers injustifiés, de l’usage excessif de la force, sept balles dans le dos de Jacob Blake, un genou sur le cou de George Floyd, l’assassinat de Breonna Taylor dans son propre appartement, la violence des extrémistes et des opportunistes, des milices d’extrême droite,… Et la violence sans raison des pillages, saccages et des destructions de propriété, qui compromet le soutien à ces mouvements et l’espoir de faire avancer les choses. Je veux être absolument clair, et je vais donc être très clair sur tout cela : les émeutes ne sont pas une forme de protestation. Les pillages ne sont pas une forme de protestation. Mettre le feu n’est pas une forme de protestation. Aucune de ces actions n’est une forme de protestation. C’est le règne du non-droit, purement et simplement. Et ceux qui s’y livrent doivent être poursuivis. La violence n’apportera aucun progrès, elle n’apportera que la destruction.
Joe Biden à Pittsburgh, le 31 août
Sur le fond, il maintient donc une position constamment réitérée : soutien aux demandes d’égalité raciale, refus des violences, volonté de traiter la question du racisme systémique s’il est élu Président.
Joe Biden a également contre-attaqué en accusant le Président et son entourage des tensions actuelles, en raison de l’absence de réaction forte à la mort de George Foyd, d’un soutien inconditionnel aux forces de l’ordre mais aussi et surtout aux miliciens et aux américains ordinaires qui prennent leurs armes pour se défendre contre les manifestants (toujours avec les stars de FoxNews en relais).
Car Trump a joué le registre de pompier pyromane dans lequel il excelle, et qu’il a déjà largement utilisé depuis l’affaire George Floyd (il avait par exemple dans son discours prononcé au Mont Rushmore le 3 juillet, invité ses supporters à « défendre l’intégrité » des Etats-Unis).
Il a ainsi refusé de dénoncer la violence et les provocations des militants d’ultra-droite de Portland (rappelant ainsi sa réaction après l’assassinat d’une militante anti-raciste par des militants d’extrême droite à Charlottesville en 2017, lorsqu’il avait indiqué qu’« il y a des gens bien des deux côtés »).
C’est aussi que la mise en avant des émeutes et des pillages lui permet aussi de mettre au cœur des enjeux du prochain scrutin la question des armes à feu, et notamment du 2ième amendement à la constitution. Car si celui sert de base juridique à la liberté de port d’armes, c’est parce qu’il autorise la population à s’organiser en milices armées (mais « bien organisées »…), pour protéger l’ordre public – rappelons sa formulation : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. ». C’est la raison pour laquelle les républicains avaient déjà invité à leur convention les époux Mc Closkey, devenus célèbres pour avoir menacé des manifestants et pour avoir été inculpés pour cela (on en parlait dans une précédente chronique).
D’où un « deux poids, deux mesures » quasiment revendiqué par le Président, qui demandait à agir immédiatement pour arrêter les auteurs du meurtre à Portland du militant pro-Trump, tout en invoquant la légitime défense pour l’adolescent ayant assassiné deux manifestants à Kenosha.
Les démocrates martèlent donc que si les incidents les plus graves interviennent dans des villes démocrates, celles-ci sont, comme le dit le Président, démocrates depuis des années et n’ont jamais connu des incidents d’une telle ampleur.
Ce qui se traduit par deux messages relayés sans relâche : premièrement, Trump ne cesse de mettre de l’huile sur le feu de façon irresponsable et souhaite aggraver les tensions. Deuxièmement (en mettant en avant les troubles à l’ordre public mais aussi d’autres formes d’insécurité), est-ce que vous vous sentez en sécurité dans l’Amérique de Donald Trump ?
Est-ce que quelqu’un pense vraiment qu’il y aura moins de violence aux Etats-Unis si Donald Trump est réélu ? […]
Je trouve cela fascinant. « Vous ne serez pas en sécurité dans l’Amérique de Joe Biden ». Et quel est leur argument ? La violence à laquelle nous assistons actuellement dans l’Amérique de Donald Trump. Mais ce ne sont pas des images phanstasmées d’une Amérique dirigée par Joe Biden dans le futur. Ce sont les images de l’Amérique de Donald Trump aujourd’hui.
Il continue à vous dire que si seulement il était Président, cela n’arriverait pas. Si il était Président. Il continue à dire que s’il était Président, vous seriez en sécurité. Et bien il est Président ![…]
Plus de 180 000 morts en seulement six mois, 1000 décès en moyenne par jour au mois d’août. Est-ce que vous vous sentez en sécurité sous la présidence de Donald Trump ? Monsieur Trump, vous voulez parler de peur ? Savez-vous de quoi les gens ont peur aux Etats-Unis ? D’attraper le COVID. […]
Notre Président actuel veut que vous viviez dans la peur, et il se met en avant comme une incarnation de l’ordre. Il ne l’est pas, et il ne fait pas partie de la solution, loin de là. Il fait partie du problème.
Joe Biden à Pittsburgh, le 31 août
Les démocrates étaient très inquiets après la convention républicaine et la reprise de fortes tensions lors des manifestations de voir la campagne électorale prendre une nouvelle tournure.
Ils ont en effet en mémoire l’élection de 1988, lorsque George H.W. Bush, distancé dans les sondages par son adversaire démocrate Michael Dukakis, avait tout misé sur les questions sécuritaires, en instrumentalisant notamment un fait divers resté fameux : un afro-américain, Willie Horton, autorisé selon les lois en vigueur dans le Massachusetts (dont Dukakis était le gouverneur) à quitter une prison le week-end, avait commis pendant un de ces séjours à l’extérieur un assassinat et un viol.
Le directeur de campagne de Bush est d’ailleurs était resté célèbre pour avoir dit : « d’ici la fin de la campagne, les gens vont se demander si Willie Horton n’est pas le colistier ». Plusieurs spots de campagne14Comparés aux spots de la campagne en cours, ces « attack ads » paraissent bien timides et raisonnables, mais avaient fait coulé beaucoup d’encre à l’époque., sur Willie Horton et sur le laxisme de Dukakis, avaient alors, selon les analystes, étaient décisifs pour la victoire de Bush.
Certains stratèges démocrates ont jugé que Biden était trop absent des médias pour répondre aux attaques de Trump et des républicains, qui continuent d’ailleurs à se moquer de lui et à la présenter comme terré dans son sous-sol (Donald Trump a complété son surnom, puisqu’il désigne désormais son adversaire sous le sobriquet de « Sleepy Joe Hidden »).
Conscient du risque et des critiques, Biden a accéléré son programme de déplacements pour se rendre à Kenosha et à Pittsburgh. Pour autant, il s’efforce de conserver sa ligne de conduite qui consiste à éviter autant que possible de mordre trop vite à l’hameçon des provocations lancées par son adversaire.
Tout en répondant aux attaques et même en contre-attaquant vigoureusement, il cherche à consolider l’image qu’il veut projeter et qu’il juge adaptée aux attentes de la population américaine en période de crise : empathie pour les victimes ; responsabilité, appel à la raison et aux faits ; posture présidentielle.
Ainsi, le contenu, les messages et la forme (il a rencontré des représentants de la communauté afro-américaine dans une église) de son déplacement à Kenosha le 3 septembre contrastaient, comme d’habitude, avec celui du Président. Une nouvelle fois, il est en ressorti avec l’image d’un candidat capable, lui, d’endosser le costume et les responsabilités présidentiels dans les moments difficiles.
De même, à Pittsburgh, il a non seulement répondu aux attaques et fustigé le Président, mais aussi cherché à démonter la stratégie de Trump et à mettre en avant son cynisme.
Moi, je vois cette violence, je vois des vies, des quartiers, des petits commerces en train d’être détruits et je vois une chance de faire de réels progrès sur les questions raciales, sur le maintien de l’ordre et sur la justice, mise en péril par cette violence.
Donald Trump, lui, il voit la violence et il y voit une bouée de sauvetage politicienne.
Comme il n’a pas réussi à protéger la nation contre le virus qui a tué plus de 180 000 américains, Trump tweete en lettres capitales et crie « Law and order » pour sauver sa campagne.
Il est censé protéger notre pays, mais au contraire, il se cramponne au chaos et à la violence. La vérité, c’est que Donald Trump n’a pas réussi à protéger l’Amérique. Et maintenant, il essaye d’effrayer l’Amérique. Comme Donald Trump et Mike Pence ne peuvent pas faire campagne sur la gestion d’une pandémie qui a tué plus d’américains que toutes les guerres cumulées depuis la guerre de Corée, puisqu’ils ne peuvent pas faire campagne sur leur bilan économique avec un nombre d’emplois perdus record depuis la crise des années 30, puisqu’ils ne peuvent pas faire campagne sur une proposition qui permettrait de remettre nos enfants à l’école dans de bonnes conditions, puisqu’ils n’ont pas de programme ou de vision pour un deuxième mandat, Trump et Pence font campagne sur le peur.
Joe Biden à Pittsburgh le 31 août
Ces réactions bien calibrées et vigoureuses ont rassuré le camp démocrate, qui continue à s’interroger sur la capacité de Biden, malgré son expérience politique, à résister à une campagne très dure et à tenir tête à un concurrent prêt à tout. Biden a montré qu’il avait du répondant, mais les plus inquiets ne seront de toute façon rassurés sur ce point qu’après les trois débats présidentiels prévus d’ici l’élection.
La méthode actuelle de Biden semble plutôt lui réussir jusqu’à présent. Aucun des angles d’attaque testés par Trump pour le déstabiliser n’a réellement fonctionné. Pas plus les critiques sur un prétendu laxisme aujourd’hui que les accusations de sénilité (largement désamorcée par le discours réussi de Biden lors de la convention démocrate), de collusion avec la Chine, de harcèlement sexuel, ou de népotisme (Biden est accusé d’avoir permis à son fils de faire des affaires en Ukraine, qui plus est en bénéficiant de la corruption généralisée dans le pays, et en Chine).
Les démocrates optimistes constatent en effet que les sondages ne semblent pas démontrer un véritable impact des efforts déployés par la campagne Trump sur le sujet de l’insécurité. Si le soutien au mouvement « Black Lives Matter » s’érode selon un sondage de Politico et Morning Consult, l’avance nette de Biden dans les sondages n’a été que très légèrement entamée juste après la convention républicaine15Il est de toute façon classique de voir les candidats bénéficier d’un petit rebond dans les sondages après les conventions, rebond rarement durable par ailleurs., y compris dans les états clés de l’élection à venir (cf. par exemple ce sondage de Fox News).
Les sondages qualitatifs montrent également que la pandémie et la situation économique, qui sont les sujets sur lesquels Biden veut axer sa campagne restent en tête des préoccupations des américains, loin devant la criminalité . Le sondage de Politico et Morning Consult indique également que 47% des personnes interrogées jugent Biden mieux à même que Trump de traiter les questions de sécurité publique (contre 39% qui penseraient le contraire). Un sondage ABC/Ipsos révèle également que les américains considèrent que Trump aggrave la crise liée aux manifestations en cours.
Autrement dit, faire campagne sur l’insécurité est une meilleure carte à jouer pour Trump que sur la pandémie, mais cela n’a pas l’air à ce stade d’être suffisant pour renverser la tendance, et les efforts de Biden pour contrer ces attaques semblent porter leur fruit.
Mais les sondages16Que le Président continue à contester vigoureusement. restent de l’avis général difficiles à interpréter et il est encore tôt pour considérer que l’offensive en cours de la part du camp Trump est inefficace – d’autant que de nouvelles violences ou par exemple la mort d’un policier dans une manifestation pourraient changer la donne. Et même les plus optimistes parmi les démocrates restent préoccupés par la place prise par le thème sécuritaire dans la campagne.
En premier lieu c’est un thème de ralliement pour l’électorat conservateur, qui peut donc consolider la base électorale du Président ou faire revenir au vote Trump des électeurs qui aujourd’hui sont tentés de voter Biden. Cela concerne les personnes âgés, dont les sondages disaient au printemps qu’elles ont basculé vers le vote Biden notamment en raison de la gestion pour le moins désinvolte de la pandémie et du risque que porte le virus pour les plus vulnérables.
Surtout, les observateurs scrutent attentivement les enquêtes d’opinion portant sur l’électorat blanc des banlieues résidentielles, considéré comme l’électorat le plus fluctuant d’une élection à l’autre : si cet électorat avait exprimé un sentiment d’abandon en 2016 en votant Trump, c’est lui qui a fait basculer la chambre des représentants du côté démocrate lors des élections de mi-mandat en 2018, sensibilisé par la campagne démocrate axée sur l’assurance santé ou les inégalités économiques. Pour les mêmes raisons (inquiétudes sur l’économie et la santé) cet électorat semble à nouveau enclin à voter démocrate en 2020.
C’est aussi lui qui est surreprésenté dans les états-clés (les fameux « swing states ») qui peuvent déterminer le résultat du 3 novembre prochain, comme le Michigan, la Pennsylvanie (ce n’est pas un hasard si Biden a choisi de s’exprimer à Pittsburgh pour rappeler sa position), le Minnesota (alors que c’est dans la capitale Minneapolis que George Floyd a été tué et que des pillages importants avaient eu lieu)… et le Wisconsin où se situe Kenosha et que Trump n’avait gagné que de quelques milliers de voix en 2016.
Alors qu’en 2018 les tentatives de Trump de réactiver certains ressorts de sa victoire de 2016 (la peur des immigrés notamment17On se souvient de ses déclarations sur la « caravane des migrants » d’Amérique centrale.) n’avaient pas fonctionné, le message « law and order » peut-il cette fois avoir une influence sur cet électorat ?
Ensuite, le débat actuel sur l’ordre public et le prétendu laxisme des démocrates place Biden en position défensive et sur un terrain qui n’est pas celui qu’il voulait aborder.
Certes le message selon lequel il serait un dangereux radical n’est pas facile à faire coller à la peau d’un candidat qui est quand même largement identifié par le grand public comme un gentil modéré, mais cela oblige Biden à insister sur son côté modéré, en mettant notamment en avant son passé politique et sa carrière comme dans son discours de Pittsburgh (« vous me connaissez, vous connaissez mon cœur, vous connaissez mon histoire et l’histoire de ma famille. Posez-vous la question : est-ce que j’ai l’air d’un socialiste radical qui a un faible pour les émeutiers ? »).
Or ceci peut d’une part lui aliéner une partie des progressistes, et d’autre part le moment venu le mettre en difficulté si la campagne Trump rebascule sur le discours selon lequel Biden, élu depuis 47 ans, est l’archétype de l’« establishement » et des « do-nothing democrats » (les « démocrates qui ne font rien », expression utilisée par Trump depuis le début de son mandat pour critiquer son opposition et mettre en avant son bilan, qu’il a cependant mise en sourdine ces derniers temps pour agiter la peur d’un retour au pouvoir des démocrates qui se traduirait très vite par des mesures progressistes désastreuses, selon lui, pour le pays).
Par ailleurs, cela place le débat sur sa personnalité, ce qui est bien l’objectif du camp Trump : présenter l’élection comme un choix entre deux personnalités et deux programmes. Or le plan de Biden est – depuis le début de la primaire démocrate, d’une certaine façon, et encore plus depuis que la pandémie de coronavirus – évidemment de se présenter comme un Président crédible, mais avant tout de faire de l’élection un referendum sur Donald Trump en pointant son bilan catastrophique et les crises sanitaire, économique et sociétale que traversent leur pays par sa faute.
Tout l’enjeu pour Biden est donc de réussir à remettre son approche de l’élection au centre de la campagne aussi rapidement que possible, d’autant que la possibilité de voter par anticipation commence déjà à être ouverte dans certains états18En Caroline du Nord, les documents pour voter par correspondance ont été envoyés le 4 septembre et le Minnesota sera le 19 septembre le premier état à ouvrir des bureaux de vote. et qu’il apparaît déjà que la proportion des électeurs qui choisira de voter par anticipation explosera cette année, en raison des craintes liées à la pandémie. Donald Trump a d’ailleurs souhaité, sans succès, avancer la date du premier débat, qui se tiendra le 29 septembre, considérant, on ne peut pas forcément lui donner tort, qu’il est anormal que les électeurs puissent commencer à se prononcer avant même d’avoir vu débattre les deux principaux concurrents.
A un peu moins de soixante jours du scrutin, de nombreux électeurs se sont fait une opinion définitive (environ 90% des sondés qui déclarent vouloir voter Biden ou Trump indiquent qu’ils ne changeront pas d’avis), et les quelques pour cents (au maximum 10 à 12%) des électeurs qui n’ont pas encore déterminé leur vote ou sont encore susceptibles de changer d’avis seront déterminants pour le résultat final.
Ce sont par nature le plus souvent les électeurs qui s’intéressent peu ou pas à la politique, ou seulement dans les ultimes semaines précédant le scrutin, qui peuvent aussi choisir de s’abstenir (la base électorale de Trump étant très mobilisée, on considère souvent que l’abstention lui profite), et dont on mesure mal ce qui peut déterminer leur vote et la façon dont ils peuvent être atteints par les messages de l’un ou l’autre des candidats.
La guerre que vont se mener les deux camps pour imposer leur narratif va donc faire rage plus que jamais dans les prochains jours. La capacité qu’a Donald Trump à fixer l’agenda médiatique, par ses excès et son art de la provocation (lui-même mettrait cela sur le compte de son génie en matière de communication…), mais aussi au travers de la « Trumposphère » qui utilise un maximum les ressorts de la campagne digitale, est un avantage pour lui dans ce contexte.
Ce n’est pas pour rien que sont en train de revenir dans le débat les discussions sur le rôle des plate-formes digitales – Facebook a ainsi décidé de refuser de publier tout nouveau spot de campagne dans la semaine précédent le scrutin, ce qui ne satisfait guère les observateurs – et de façon plus générale la façon dont les médias de toute obédience vont traiter la campagne électorale, alors qu’il n’existe, par exemple, aucune règle aux Etats-Unis encadrant les temps de parole.