Biden réagit à la mort de George Floyd… comme un Président

Le mouvement populaire de protestation après la mort de George Floyd a donné à Joe Biden l’opportunité de revenir au premier plan de la scène politique et médiatique, qui plus est sur un des ces sujets de prédilection, les droits civiques et les inégalités raciales (souvenons-nous que lors de la primaire démocrate, il avait fait de sa relation privilégiée avec la communauté afro-américaine un des ces principaux arguments de campagne et que c’est le vote afro-américain en Caroline du Sud qui l’avait remis en selle et avait suscité le ralliement du camp modéré autour de lui après des premiers résultats compliqués).

Définitivement assuré depuis le 5 juin de remporter l’investiture du parti démocrate1Les primaires qui se sont tenues dans quelques états le 5 juin ont permis à Joe Biden de dépasser le nombre de délégués nécessaire pour être désigné comme le candidat démocrate qui affrontera Donald Trump lors de l’élection présidentielle du 3 novembre prochain. et enfin libre de ses mouvements (puisque l’allégement progressive des mesures de restrictions et de suspension des activités en vigueur dans le Delaware où il réside lui a permis de quitter le studio de télévision improvisé en catastrophe dans son sous-sol qui lui attirait beaucoup de moqueries), Joe Biden s’est emparé tout de suite du sujet.

Il a ainsi participé à divers événements publics avec des représentants des droits civiques et rencontré la famille de George Floyd le 9 juin, veille des funérailles à Houston2Pendant ce temps, le Président Trump ne participait pendant deux semaines à aucune réunion ou événement en lien avec la mort de George Floyd, avant que la Maison Blanche n’organise des tables-rondes avec les représentants de forces de l’ordre ou avec une délégation de personnalités afro-américaines triées sur le volet. Tables-rondes dédiées à l’éloge du Président bien plus qu’aux revendications du mouvement en cours : on jettera par exemple un oeil au verbatim de celle du 10 juin..

Biden est alors dans un registre compassionnel qui lui convient parfaitement : rappelons que sa vie a été marquée par plusieurs drames personnels (décès de sa première femme et de sa fille dans un accident de voiture au début des années 70, mort de son fils pendant son deuxième mandat de vice-président), événements auxquels il a très souvent fait référence, avec une émotion non feinte, depuis le début de la pandémie de coronavirus pour expliquer, pendant que Trump se satisfaisait qu’il n’y ait « que »  100 000 morts, que les victimes ne sont pas simplement l’objet d’un décompte quotidien mais d’abord la source de deuils.

En utilisant son empathie naturelle et sa capacité à s’exprimer avec gravité dans un registre très « présidentiel » (c’est l’avantage d’avoir été vice-président pendant 8 ans), Biden s’est immédiatement démarqué de Donald Trump3Qui peine vraiment à trouver le bon ton quand il évoque George Floyd. . En mettant un genou à terre après une rencontre avec les leaders de la communauté afro-américaine de son lieu de résidence, il a aussi marqué le contraste avec les coups de menton du Président.

Il s’est également nettement distingué de on futur adversaire sur le fond puisqu’il a immédiatement élargi le sujet au-delà du cas particulier de George Floyd et même des violences policières pour dénoncer, comme d’autres figures politiques importantes, le problème « systémique » des inégalités raciales.

Mais si ses toutes premières interventions ont été bien accueillies, elles ont aussi été jugées très, voire trop, « générales ». Les mouvements sociaux les plus en plus en pointe dans le mouvement de protestation et sur la question des inégalités et de la discrimination raciale, ont très vite indiqué que Biden ne pouvait pas se contenter de déclarations d’intention, et rappelé que le fait d’affronter Trump et de se présenter comme un allié historique de la communauté afro-américaine ne pouvait pas constituer un argument suffisant pour inciter les afro-américains à voter Biden (et démocrate) en novembre prochain.

Il convient en effet de garder en mémoire la déception d’une partie de la communauté afro-américaine, en particulier chez les jeunes et les mouvements sociaux, vis-à-vis des huit années de présidence Obama sur la question des inégalités et des discriminations raciales. Au-delà des discours enthousiasmants, du symbole fort que représentait la première élection d’un président noir, les résultats concrets ont été très loin des attentes de certains.

La présidence Obama a connu des mouvements de protestation importants après des assassinats de jeunes afro-américains par la police (les noms de Michael Brown à Ferguson et Eric Garner à Staten Island en 2014, Freddie Gray à Baltimore en 2015). L’approche politique et émotionnelle de ces drames adoptée par Barack Obama avait été appréciée et ses déclarations ou la constitution d’une « commission sur le maintien de l’ordre et la police du 21ième siècle » avaient permis de calmer les protestations.

Mais l’absence de réformes ambitieuses ou de mesures concrètes fortes sur le sujet en huit de mandat a finalement déçu et entaché la présidence Obama et donc la candidature de Joe Biden, qui fait de ses huit années de vice-président au côté d’Obama un des ses principaux arguments de campagne.

Il faut dire aussi que le nom de Joe Biden est associé au « Crime Bill », c’est-à-dire au « Violent Crime Control and Law Enforcement Act », voté en 1994. Cette loi, dont Biden à l’époque sénateur du Delaware, est à l’origine, est considérée comme un marqueur de la politique de répression et d’incarcération de masse pratiquée par les Etats-Unis.

Biden, attaqué sur le sujet bien avant les événements actuels, se défend comme il peut (il faut dire que les vidéos de l’époque ne sont pas très flatteuses) sur le sujet, plaidant le fait que la politique d’incarcération de masse était à l’œuvre depuis les années 70, indiquant qu’il a tiré les leçons de l’échec de cette approche, etc.

Les appels immédiatement lancés à Biden pour qu’il aille au-delà des discours convenus et de la critique du Président et pour qu’il annonce un agenda ambitieux en matière de discriminations radicales s’expliquent aussi par une « gaffe » (une de ses « spécialités » – on pense en particulier à quelques déclarations pour le moins maladroites sur les minorités, encore en 2019) de Biden, faite trois jours avant la mort de George Floyd.

Invité dans un talk-show matinal très écouté par les jeunes afro-américains (le « Breakfast club ») avec l’objectif de séduire un électorat qui reste sceptique vis-à-vis de lui, il avait un peu peiné à répondre à certaines questions et finalement répondu au présentateur, qui lui proposait de revenir dans l’émission plus tard dans la campagne pour mieux expliquer certains aspects de son programme, que « si quelqu’un est afro-américain et hésite entre Trump et moi, c’est qu’il n’est pas afro-américain », suscitant des réactions indignées (est-ce à un blanc de définir ce que doit penser un afro-américain ? Biden considère-t-il le vote afro-américain acquis ?).

Il s’était immédiatement excusé d’avoir été « cavalier », reconnaissant qu’il devait « gagner » le vote des afro-américains. Mais les partisans de Trump avaient illico saisi l’opportunité et attaqué Biden sur les réseaux sociaux ou dans des spots pour abîmer son image auprès des afro-américains4Au-delà, les pro-Trump ont insisté sur le mépris des élites envers les citoyens ordinaires et en particulier envers les électeurs de Trump : on se souvient qu’Hillary Clinton avait traité les supporters de Trump de « pitoyables », ce qui lui avait porté grand tort en 2016. Du côté des partisans de Biden, on a au contraire noté que la capacité à reconnaître publiquement ses erreurs démontrée par Biden était une qualité dont était malheureusement totalement dépourvue le président en exercice..

Cette réaction immédiate montrait que la campagne Trump avaient déjà ce type d’arguments en magasin (voir par exemple ce spot télévisé diffusé le jour-même de la gaffe), en cohérence avec l’offensive engagée – évoquée dans une précédente chronique – pour séduire l’électorat afro-américain ou tout au moins entamer l’avance de Biden dans cet électorat.

D’une certaine façon, la mort de George Floyd a donné au candidat démocrate l’occasion de réparer cette gaffe et de donner des signaux forts à la communauté afro-américaine pour sécuriser et consolider le soutient de cet électoral capital en vue de la présidentielle de novembre.

Joe Biden a plutôt été en difficulté dans les premiers jours suivant la mort de George Floyd pour détailler des mesures ou montrer du recul par rapport au bilan de la présidence Obama, et donc indirectement à son propre bilan de vice-président. Mais il n’a pas tardé à réagir et à tenir compte de la pression qui commencer à monter en prononçant à Philadelphie, le 2 juin, un discours jugé par les observateurs comme son meilleur depuis le début de la campagne.

Biden y mêlait émotion (les premiers instants, dans lesquels il reprend la phrase « I can’t breathe » qui renvoie aussi à la mort d’Eric Garner pendant sa vice-présidence ont été beaucoup repris), reconnaissance que tout n’a pas été mis en œuvre par le passé pour régler les problèmes, propositions concrètes précises sur les violences policières, vision claire sur les autres problèmes structurels pénalisant les minorités, et engagement fort à en faire un priorité de son mandat s’il est/était élu (le tout sans manquer de tirer à boulets rouges au passage sur Donald Trump).

Il faudra plus que des mots. Nous avons déjà beaucoup parlé par le passé, nous avons protesté par le passé. Promettons-nous d’utiliser ce moment pour agir, enfin, et mettre fin au racisme systémique avec les changements concrets attendus depuis si longtemps.

Joe Biden, à Philadelphie le 2 juin

Les mesures annoncées sont très clairement inspirées par les plates-formes portées par les organisations travaillant sur le sujet et notamment « Campaign Zero » : établissement de standards fédéraux sur l’usage de la force et interdiction de pratiques tel l’étranglement, arrêt du transfert de matériel de l’armée vers la police, renforcement de la supervision fédérale des polices locales, etc5On tentera de revenir plus en détail sur le débat sur les violences policières et les mesures envisagées et débattues dans une prochaine chronique..

Ce faisant, en mettant très vite sur la table des propositions émanant des mouvements sociaux impliqués dans la lutte contre les violences policières, Biden s’est positionné en première ligne et en fer de lance progressiste (il pousse le Congrès à agir sur le sujet et le projet de loi présenté le 8 juin par élus démocrates au Congrès reprend sans surprises ses propositions). Il semble bien pouvoir capitaliser sur cette réaction rapide et appropriée en vue de l’élection de novembre prochain.

D’une part parce qu’il prouve que sa main tendue vers le camp progressiste depuis que Bernie Sanders s’est retiré de la course à l’investiture n’est pas qu’une manœuvre électoraliste et peut se traduire dans les faits. D’autre part parce que le grand public semble, pour l’instant tout au moins, majoritairement partager les préoccupations exprimées par le mouvement de protestation.

Les dernières enquêtes d’opinion et les sondages en vue des élections présidentielles et locales semblent confirmer cela, et Biden est actuellement nettement en avance sur Donald Trump au niveau national (il a passé selon certains instituts la barre des 50% d’intention de vote, ce qui considéré comme un signal fort) ou dans les états clés pour l’élection .

Si on ne dispose pas de chiffres précis, ni pour Trump ni pour Biden, il semble également que les fonds récoltés par ce dernier pour sa campagne soient en forte hausse depuis le début du mouvement de protestations, tout comme ceux d’un certain nombre des organisations que le soutiennent6Les fameux PAC qui sont censés faire campagne sur un sujet précis et non pas pour un candidat, mais qui en pratique « roulent » pour un candidat et permettent aux riches donateurs de contourner les plafonds de dons prévus par la loi et ainsi d’augmenter la surface financière des candidats. ce qui lui permet de mener une campagne très active sur Facebook notamment.

Mais comme le souligne son équipe de campagne, les sondages sont à prendre à pincette et il ne s’agit pas de crier victoire dès à présent, non seulement parce qu’il reste encore plus de 4 mois avant l’élection mais aussi parce que la bonne gestion du momentum actuel par Joe Biden ne doit pas cacher plusieurs obstacles qu’il devra éviter sur la question des inégalités policières et des violences raciales.

La première concerne le débat, qui fait la une de l’actualité depuis quelques jours, sur le slogan « Defund the police » porté par le mouvement « Black Lives Matter », repris par les manifestants et par des élus démocrates et que certaines municipalités envisagent de traduire dans les faits (on pense à certains élus de Minneapolis, où George Floyd a été tué, qui proposent de démanteler la police locale pour construire « un nouveau maintien de l’ordre » qui reste à définir, ou aux décisions annoncées par certains maires démocrates de réduction du budget de la police ou d’ouverture de discussion sur les priorités budgétaires).

Le Président Trump et les élus et médias conservateurs ont sauté sur l’occasion pour agiter le spectre de l’anarchie et en faire un sujet clivant, « accusant » Biden de reprendre la proposition à son compte. Pour tuer directement dans l’œuf ce risque, l’équipe de campagne de Joe Biden, qui s’évertue à essayer de neutraliser tous les nouveaux angles d’attaque de Donald Trump avant qu’ils n’embrasent les réseaux sociaux, a immédiatement déclaré qu’il ne reprenait pas le slogan brut à son compte.

Mais il ne s’est pas complètement enlevé l’épine du pied et il est maintenant coincé entre deux feux  : ceux des conservateurs qui expliquent qu’il ment et finira par se rallier à ce slogan sous la pression des progressistes, et les manifestants les plus engagés qui pourraient lui reprocher sa frilosité sur le sujet.

Il doit donc rapidement faire du « rebranding » c’est-à-dire trouver un autre slogan à endosser pour expliquer que, oui, certaines municipalités consacrent trop d’argent à leur police, confient à celle-ci des missions qui devraient relever des services sociaux et financent insuffisamment d’autres actions susceptibles de faire baisser la délinquance et de garantir l’ordre public et la sécurité des américains et que baisser leur budget pour le consacrer à des dépenses sociales, mais que non, il ne souhaite pas démanteler la police parce qu’elle est nécessaire dès lors qu’on définit de façon appropriée ses missions et les règles en matière d’usage de la force.

Dans une campagne qui s’annonce très violente et avec un camp Trump sans scrupules, cette question sera instructive à suivre pour mesurer la résilience de la vie démocratique américaine à bientôt 4 ans de « fake news » et de pauvreté du débat public : Biden, qui est un homme politique à l’ancienne mais qui paraît s’être entourée d’une équipe solide en matière de campagne digitale, réussira-t-il à tenir et faire passer une position nuancée sur le budget des forces de l’ordre et à être entendu voire à susciter un débat d’idée sur un sujet politique, au sens noble, intéressant et structurant, ou sera-t-il emporté dans un tourbillon viral en 280 caractères ?

Deuxième point d’attention pour Joe Biden : le mouvement en cours dépasse la seule question des violences policières et Biden sera très attendu sur ses propositions concrètes relatives aux inégalités économiques liées à la couleur de peau (que la pandémie de coronavirus et notamment la question des travailleurs essentiels a illustré) et à la réforme de la justice pénale (un chiffre pour illustrer le sujet : en 2018, le taux d’emprisonnement de la population afro-américaine était égal 5,8 fois celui de la population blanche7Pour faire pièce au stéréotype selon lequel les afro-américains seraient davantage des délinquants que les blancs, la NAACP, organisation historique de défense et de promotion des droits des minorités aux Etats-Unis, précise que la part de la population qui consomme des drogues est la même chez les blancs et les afro-américains, mais que la part de la population afro-américaine emprisonnée pour usage de stupéfiants est six fois supérieur à la part de la population blanche en prison pour les mêmes raisons.).

Les débats démocrates lors de la primaire avaient été assez pauvres sur sujet. Les groupes de travail constituées mi-mai avec les équipes de Bernie Sanders pour construire la plate-forme électorale du parti démocrate offrent l’opportunité d’avancer rapidement des propositions ambitieuses de nature à convaincre une large partie de l’électorat démocrate. Biden est en tout cas attendu au tournant et devra prouver là encore qu’il porte un vrai projet qui va au-delà des déclarations d’intention et du retour aux années Obama.

Enfin, porter une vision et promettre des mesures concrètes ne sera peut-être pas suffisant, dans une société américaine où la défiance vis-à-vis des institutions et du personnel politique est alimentée par des années d’inaction sur de nombreux problèmes. Les déclarations de nombreux manifestants expliquant que les manifestations (voire les violences) sont le seul moyen de faire avancer les choses et que le vote ne sert à rien, inquiètent d’ailleurs fortement le parti démocrate.

Le début de polémique sur le sujet (face aux déclarations doutant de l’utilité du vote, certains avaient commencé à dénoncer « Black lives matter » comme se focalisant davantage un peu trop sur les performances – comme l’inscription du slogan partout aux alentours de la Maison Blanche – et pas suffisamment sur les actes) ne semble pas avoir pris et la formule « Black voters matter »8Qui ne date pas du mouvement actuel. est efficace. Mais ce type de slogan ne suffit pas : il faut amener les électeurs, en particulier les jeunes afro-américains9Qui font fait défaut à Hillary Clintont en 2016, puis lors de la primaire démocrate de cette année à Bernie Sanders, qui misait beaucoup sur leur envie de changement. aux urnes.

On a dès lors vu Barack Obama, l’ « establishement » démocrate, les figures du mouvement des droits civiques, comme par exemple Stacey Abrams (militante notamment de l’accès au droit de vote, qui fait partie des noms cités pour être la candidate à la vice-présidence aux côtés de Joe Biden), mais aussi des stars du sport américain comme LeBron James10LeBron James a annoncé le 11 juin la constitution d’une organisation qu’il financera avec d’autres stars du basket américain, et la mobilisation de leurs réseaux sociaux (LeBron James a 45 millions de followers sur Twitter et 66 millions sur Instagram), pour encourager le vote et pour lutter contre la suppression des électeurs des listes électorales. insister sur la nécessité de mener la lutte dans la rue mais aussi dans les urnes.

Dans le même temps, le fiasco des primaires tenues en Géorgie le 9 juin (le contexte de la pandémie ayant obligé à revoir les conditions d’organisation du scrutin), avec de très longues files d’attente, des bulletins de vote par correspondance inutilisables, etc. a ravivé la crainte que les élections ne puissent pas se dérouler normalement et fait redouter une démobilisation des électeurs, même si dans des circonstances analogues en avril dans le Wisconsin, on avait constaté une forte participation, interprétée comme la preuve d’un intérêt fort dans le public pour l’élection de 2020.

Le parti démocrate estime qu’une forte participation est une des clés pour l’élection présidentielle – mais aussi pour essayer de reprendre la majorité au Sénat – et face aux offensives du Président et de ses alliés pour compliquer au maximum cette participation, le défi sera donc à la fois de convaincre les électeurs, en particulier jeunes et afro-américains (qui constituent l’épine dorsale du mouvement en cours) d’aller voter, et se battre au niveau de chaque état, voire devant la justice, pour obtenir des conditions de vote sûres et équitables.

Comme il y a aussi des preuves symboliques de la sincérité des promesses, le mouvement populaire en cours va certainement influencer le choix de Biden s’agissant de la femme politique qui constituera avec le lui le binôme de candidats à la Présidence et à la vice-Présidence.

Ainsi la sénatrice du Minnesota et ex-candidate à l’investiture démocrate Amy Klobuchar qui faisait partie des favorites car susceptible de séduire l’électorat des ouvriers et des classes moyennes du Michigan ou du Wisconsin, a vu sa côte diminuer fortement dans la mesure où l’affaire George Floyd a ravivé les critiques sur son bilan en tant que procureur pour le comté de Minneapolis11Il lui est reproché d’avoir peu cherché à poursuivre les policiers accusés de violences. Il se trouve que le meurtrier en premier chef de George Floyd était déjà impliqué dans une précédente affaire de mort infligée par des policiers en service au moment elle occupait ce poste. Amy Klobuchar se défend en expliquant que c’était à la fin de son mandat et qu’elle n’a pas eu à se prononcer sur l’affaire, confiée à un jury citoyen, mais le contraste avec le procureur général actuel qui a pris immédiatement le sujet à son compte est frappant.. Obligée de reconnaître qu’elle aurait dû s’emparer davantage des affaires de violences policières, elle semble désormais hors course.

A l’inverse, l’option d’une candidate afro-américaine (ou issue des minorités) regagne du terrain. On parle de Susan Rice, ancienne conseillère de Barack Obama puis ambassadrice américaine aux Nations-Unies, qui serait opérationnelle immédiatement, mais qui n’a jamais mené de campagne politique. La sénatrice de Californie Kamala Harris, ancien candidate à la primaire, a le bon profil a priori et est une des favorites. Mais son bilan en tant que procureur général de Californie est controversé et le fait d’être californienne est vu comme un handicap (parce que les conservateurs adorent attaquer les californiens libéraux et bien-pensants, et parce que la Californie est acquise aux démocrates).

On parle donc beaucoup à nouveau de personnalités du Sud, capable de mobiliser l’électorat afro-américain du Sud et de faire basculer certaines élections dans cette région, comme Val Demmings, élue floridienne à la chambre des représentants et qui a la particularité d’avoir été cheffe de la police d’Orlando, Stacey Abrams ou la maire d’Atlanta Keisha Lance Bottoms dont les discours pendant les premiers jours de manifestations agitées ont marqué les esprits.

Joe Biden a désormais beaucoup de cartes en main. Désigné candidat très tôt, il « bénéficie » d’une actualité, entre la pandémie de coronavirus et le mouvement en cours sur les violences policières et les inégalités raciales, qui met en valeur ses qualités : empathie, capacité à nouer des relations et à susciter la sympathie, stature présidentielle, volonté de rassembler, absence de dogmatisme et capacité d’écoute12Cette qualité avait été largement mise en avant par Bernie Sanders et surtout Elizabeth Warren lorsqu’ils ont annoncé leur ralliement. Certains diront que Biden est de ce fait prompt à changer d’avis et mettront ainsi en doute sa volonté de tenir plus tard les promesses faites aujourd’hui si le contexte du débat public venait à évoluer..

Il peut par ailleurs désormais faire campagne non seulement contre Donald Trump (et il ne se prive de tacler l’absence de leadership du Président) mais aussi sur un projet et une vision sur une question mobilisatrice pour son électorat, et peut-être même assez largement au-delà.

Mais Joe Biden est aussi un gaffeur, qui n’a pas jusqu’à présent démontré de grandes qualités de débatteur qui lui seront utiles à l’automne face à Donald Trump, et une figure qui incarne pour beaucoup (y compris dans son propre camp) l’« establishment » politique dont tout le monde est lassé. La route est donc encore longue…

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