Le 3 novembre, les Américains votent pour choisir le Président des Etats-Unis, mais pas seulement

L’élection présidentielle a largement éclipsé le fait que le 3 novembre, les citoyens américains1Qui en réalité votent déjà depuis des semaines. sont appelés à se prononcer sur de nombreux autres sujets : c’est le « down ballot » (le bas du bulletin), par opposition au « top ballot », le haut du bulletin où figure le choix entre les candidats à la Présidence.

Au-delà de l’élection présidentielle, les médias se sont surtout intéressés aux élections sénatoriales, puisque le parti républicain pourrait perdre la majorité qu’il détient au Sénat depuis 2014. Plusieurs élections sont très serrées et on regardera attentivement les résultats dans le Colorado, dans l’Iowa2Qui a connu un moment mémorable dans la dernière ligne droite lorsque la candidate républicaine, qui siège pourtant à la commission agricole du Sénat, n’a pas su donner le prix du soja, erreur fatale dans un état agricole. Elle a essayé d’échapper la question avec une mauvaise foi toute Trumpienne, tandis que sa concurrente démontrait sa maîtrise parfaite des sujets., en Arizona, dans le Maine en Caroline du Nord, dans le Montana ou en Géorgie , autant d’élections où les républicains sortants sont menacés3On n’ose pas trop espérer que l’affreux Lindsay Graham soit battu en Caroline du Sud., mais aussi en Alabama et à moindre degré dans le Michigan où ce sont des sièges démocrates qui sont en péril.

Les démocrates doivent totaliser un solde positif de 3 sièges pour reprendre la majorité et il s’agit d’un enjeu majeur puisque si Joe Biden est élu, il aura impérativement besoin d’avoir un Sénat démocrate pour mener les réformes prioritaires de son programme.

Dans le cas contraire, on peut craindre un blocage complet des institutions, comme pendant les 2 dernières années de mandat de Barack Obama.

Et on a vu les conséquences de cette situation : si Obama n’a pu achever des réformes importantes, par exemple en matière de justice pénale (ce qui a terni sa fin de mandat et par conséquent son bilan, et peut-être handicapé Hillary Clinton lors de l’élection de 2016), c’est parce qu’il avait en face de lui un Sénat républicain qui l’a aussi empêché de nommer un juge progressiste à la Cour Suprême en remplacement d’un juge décédé à quelques mois des élections de 2016. Le siège a été pourvu par Donald Trump après son élection et c’est une des raisons pour lesquelles la Cour Suprême a désormais une coloration nettement conservatrice.

Les électeurs américains votent également, comme tous les deux ans, pour renouveler la totalité de la Chambre des Représentants. Ce scrutins a été peu médiatisé au niveau national parce que le suspens est très limité. Les démocrates disposent en effet d’une confortable majorité depuis 2018 et on s’attend d’ailleurs à ce qu’ils gagnent encore une douzaine de sièges.

En revanche, les observateurs politiques regarderont attentivement si l’aile « progressiste » du parti démocrate augmente encore son contingent (ce qui pourrait être déterminant par exemple en matière de lutte contre le changement climatique) et si on voit apparaître, comme en 2018, une nouvelle génération d’élues et d’élus représentant davantage la diversité ethnique des Etats-Unis et suffisamment charismatiques pour commencer à prendre la relève des cadres vieillissants du parti démocrate (on pense par exemple à Nancy Pelosi qui préside à 80 ans la Chambre des représentants et dont la reconduction pourrait éventuellement être remise en cause par la nouvelle génération).

On vote aussi pour les élections locales et notamment pour pourvoir des postes dans les trois « branches », pour reprendre le terme américain, c’est-à-dire à la fois pour le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.

Ce sont cette année 11 postes de gouverneurs et 10 postes de « lieutenant governor » qui sont en jeu dans 11 états4Dans certains d’entre eux, on vote pour un « ticket » constitué par des candidats au poste de gouverneur et de « lieutenant gouvernor », tandis que dans d’autres on vote séparément. Dans quelques états, le « lieutenant governor » n’est d’ailleurs pas élu au suffrage universel..

D’autres postes exécutifs seront pourvus au suffrage universel dans certains états : 7 « secretary of state » (responsable de l’organisation des élections et d’un certain nombre de procédures administratives qui varient selon les états) et 10 « attorney general » (l’équivalent d’un « super procureur général »)5Kamala Harris, la colistère de Joe Biden, était « attorney general » de Californie avant d’être élue sénatrice. seront élus.

Le calendrier est tel que peu d’élections au poste de gouverneur sont serrées cette année, soit qu’elles concernent des états très ancrés d’un côté ou de l’autre du spectre électoral, soit que les sortants soient populaires. Les élections dans le Montana et en Caroline du Nord sont néanmoins suivies de près parce qu’elles pourraient avoir une influence sur le résultat des élections sénatoriales très serrées qui ont lieu dans ces deux états.

De même, la réélection du gouverneur démocrate sortant Caroline du Nord pourrait bien accréditer l’hypothèse selon laquelle ce « battleground state » jusqu’à présent « sudiste » pourrait bien pour des raisons démographiques devenir à terme un bastion du parti démocrate.

En parallèle, on va voter dans 29 états pour désigner plusieurs dizaines de juges ayant vocation à siéger à la Cour Suprême de l’état (d’autres états comme la Floride prévoient que le gouverneur soumette des propositions de nomination au sénat local, à l’image de la procédure en vigueur au niveau fédéral).

On vote enfin dans 44 états pour renouveler leur congrès et donc les deux assemblées locales (tous les états sauf le Nébraska ont deux assemblées, là encore en miroir de ce qui se passe au niveau fédéral).

Dans un système fédéraliste revendiqué, tant le gouverneur que les assemblées législatives locales disposent de pouvoirs étendus et ces élections portent des enjeux forts pour le quotidien des américains.

Il suffit de penser à la gestion du coronavirus où les gouverneurs, en vertu de leurs compétences propres (et du peu d’enthousiasme montré dès le début par le Président Trump pour traiter le sujet au niveau fédéral), se sont retrouvés en première ligne et parfois très exposés politiquement (voire même physiquement si on pense aux conspirations d’enlèvement contre la gouverneure du Michigan et le gouverneur de Virginie), prenant des décisions de fermeture de l’économie ou des écoles, etc.

La bonne gestion de la pandémie dans certains états explique d’ailleurs le fait que les sortants soient en très bonne position pour être reconduits : c’est le cas dans le New Hampshire ou en Caroline du Nord où les gouverneurs pourraient être réélus dans des états qui ne votent normalement pas majoritairement pour leurs partis.

Quant aux pouvoirs législatifs locaux, ils ont évidemment des compétences étendues en matière budgétaire et fiscale, ou de politique pénale, et peuvent largement, comme au niveau fédéral, bloquer les capacités d’action du gouverneur. On insistera sur quelques sujets qui résonnent particulièrement avec l’actualité.

Evoquons pour commencer les modalités d’indemnisation du chômage dont le montant et les conditions d’attribution relèvent de la compétence des états et non du gouvernement fédéral. Le sujet a été remis en lumière avec la crise économique brutale engendrée par la pandémie, lorsque plusieurs dizaines de millions de personnes ont perdu brutalement leur emploi. On a alors vu l’écart qu’il pouvait y avoir entre un état comme la Floride (qui attribue au maximum 250 dollars sur une durée n’excédant par 12 semaine) et l’état de Washington (qui peut aller jusqu’à 790 dollars pendant 26 semaines). Le gouvernement fédéral a dès lors été obligé de mobiliser de façon exceptionnelle d’importants moyens pour compléter ces indemnisations.

Dans le même registre, on pourrait rappeler que si le niveau du salaire horaire minimum est fixé au niveau fédéral (il est actuellement à 7,25 dollars), chaque état a la compétence de fixer un plancher plus élevé – c’est le cas par exemple en Californie ou dans l’Illinois, qui ont fixé à 15 dollars le salaire minimum. Le sujet a repris de l’importance avec la pandémie, lorsqu’on a constaté (aux Etats-Unis comme ailleurs) que les « travailleurs essentiels » étaient souvent des travailleurs pauvres et mal payés.

La question est d’ailleurs au cœur du programme de Joe Biden qui veut fixer le salaire horaire minimum à 15 dollars. Les états fédérés garderont une marge de manœuvre importante en la matière et ce sujet, comme celui de l’indemnisation du chômage, pourrait bien compter6En tout cas, l’auteur l’espère. au moment du choix des électeurs.

Il faut aussi s’attarder sur la question des législations électorales, au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois. Chaque état décide des modalités de scrutin et on a vu cette année, au moment des primaires et surtout dans les dernières semaines de campagne, des décisions prises, notamment par les exécutifs contrôlés par le parti républicain – ou des blocages de proposition de modification des règles proposées par l’exécutif – qui traduisent clairement des visées politiques, pour compliquer l’accès au vote de certains catégories électorales, et notamment des minorités, rappelant la période ségrégationniste.

Les décisions de modification des règles électorales sont d’ailleurs contestées devant les tribunaux et aboutissent dans un premier temps à la Cour Suprême des états concernés, ce qui ne fait que souligner l’importance de la composition de ces Cours Suprêmes (même si les plaidants mécontents des jugements peuvent passer ensuite au niveau fédéral). On voit dès lors l’importance que peut avoir la coloration politique des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires pour l’accès effectif au droit de vote.

Enfin, un enjeu majeur des élections de 2020 dans les assemblées législatives des 50 états américains est celui du découpage des circonscriptions.

Ce sont en effet ces exécutifs qui, sur la base du recensement décennal prévu par la Constitution et qui s’est déroulé tout au long ou presque de l’année 2020, qui procéderont au découpage des circonscriptions électorales pour les élections au congrès fédéral et pour les parlements locaux pour les dix ans à venir, et influenceront ainsi largement les chances de chacun des partis d’y obtenir la majorité..

Le « bidouillage » de la carte électorale, le « gerrymandering », est une pratique répandue aux Etats-Unis et ce depuis longtemps puisque le terme vient de Gerry Mander, qui a été vice-Président des Etats-Unis et qui, quand il était gouverneur du Massachussetts, avait savamment redécoupé à son avantage les circonscriptions de Boston… en 1812.

Dans le Wisconsin (où le gouverneur démocrate et le parlement local républicain sont à couteaux tirés à propos justement de la législation électoral), par exemple, les républicains tiennent 63 des 99 sièges d’assemblée de l’état en ayant obtenu moins de la majorité des voix lors du dernier scrutin en 2018. Précisons toutefois que le « gerrymandering » n’est pas généralisé et que certains états pour s’en prémunir établissent des commissions bi-partisanes ou font appel à des intervenants extérieurs indépendants pour traiter la question.

La large victoire des républicains aux élections de mi-mandat de 2010 leur avait permis dans la foulée d’avoir à leur main (via la contrôle des deux chambres du Parlement d’un état) le découpage de 55% des circonscriptions du pays, contre seulement 10% pour les démocrates. Cela s’était traduit dès les élections au Congrès de 2012 par un gain, pour les républicains, de 33 sièges à la Chambre des Représentants, alors même qu’ils avaient recueilli au niveau national moins de voix que les démocrates.

Les élections de cette année pourraient bien changer significativement la donne en matière de contrôle du découpage électoral, avec des élections disputées dans plusieurs états importants : selon le site FiveThirtyEight, c’est la capacité à maîtriser le découpage (ou à l’inverse a minima à être associé aux discussions en disposant d’une forme de minorité de blocage) d’environ 24% des sièges à la Chambre des Représentants qui est en jeu dans le scrutin du 3 novembre, ce qui pourrait conduire à rééquilibrage important en la matière.

Or, les mauvaises performances électorales du Président Trump pourraient bien rejaillir sur le « bas du bulletin », c’est-à-dire les scrutins locaux (à l’image de ce qui semble se passer pour le Sénat) et reconfigurer significativement la carte des Etats-Unis en ce qui concerne la maîtrise des leviers législatifs dans les états.

Aujourd’hui, les républicains sont majoritaires dans 59 des assemblées locales (contre 39 pour les démocrates) et, surtout, ils ont le contrôle du trio « governor » / « state senate » / « state house of representatives » – ce qu’on appelle le « trifecta », dans 21 états contre 15 pour les démocrates. Or le « trifecta » ouvre des perspectives importantes pour un parti sur tous les sujets de compétence relevant des états. Une vague bleue dans les urnes pourrait permettre au parti démocrate de briser quelques « trifectas » républicains et au contraire d’en créer quelques-uns à la main de démocrates.

L’état suivi avec le plus d’attention est le Texas (deuxième état le plus peuplé derrière la Californie, avec 28 millions d’habitants). Dans la continuité d’élections serrées en 2018 et alors qu’il semble que le Texas puisse être gagné par Joe Biden, les démocrates pourrait aussi gagner la « state house » et briser le « trifecta » républicain. Ce pourrait être le cas également dans l’Arizona et l’Iowa.

Les démocrates pourraient également gagner le contrôle total des leviers exécutif et législatifs dans le Minnesota et en Pennsylvanie, ce qui serait une victoire stratégiquement importante, compte tenu des batailles sur les règles électorales qui agitent cet état, qui pourrait encore être déterminant dans de futures élections présidentielles. On notera aussi les fortes incertitudes sur la Caroline du Nord (sans surprise on retrouve là des « battleground states » de l’élection présidentielle).

On vote également dans de nombreux endroits à l’échelon des municipalités ou des comtés, pour désigner le maire et l’équivalent des « conseils municipaux ». On soulignera d’ailleurs que dans certains états (en Pennsylvanie, dans le Wisconsin ou au Texas, par exemple), ces exécutifs locaux ont aussi un rôle d’organisation pratique des élections.

Mais avant tout les municipalités et les comtés ont avant tout la compétence en matière de maintien de l’ordre. Les maires désignent ainsi les chefs de la police locale, tandis que les « sheriffs » sont élus au suffrage universel (certains états prévoient néanmoins un certain nombre de critères de qualification pour pouvoir se présenter), et tous décident de la doctrine d’usage de la force, de la mise en œuvre ou non d’une politique de prévention, de l’installation ou non d’une police de proximité, etc.

Alors que cette année aura encore connu un nombre impressionnant d’assassinats par des policiers d’afro-américains dans le cadre d’un usage manifestement disproportionné de la force. On pense évidemment à George Floyd, dont la mort a déclenché des manifestations massives et, sans doute, une meilleure prise de conscience collective ; mais aussi, il y a seulement une semaine, à un jeune afro-américain atteint de troubles psychiques et manifestement en pleine crise qui était abattu par deux policiers à Philadelphie.

En dépit des engagements forts pris par les uns et les autres après la mort de George Floyd, le niveau fédéral n’a pas réussi, en raison du blocage institutionnel récurrent entre la Chambre des rReprésentants et le Sénat, à prendre la moindre décision pour réduire les violences policières malgré des réflexions avancées sur le sujet.

Joe Biden en fera sans doute, s’il est élu et en mesure de légiférer, une priorité de son mandat. Mais les maires et les « sheriffs » garderont toujours une marge de manœuvre, au moins organisationnelle, importante et c’est d’eux que pourraient venir en premier lieu, après les élections des réformes importantes.

On notera aussi le rôle en la matière des « attorney general » des états ou les « district attorneys » à l’échelon d’en dessous, également élus au suffrage universel. Ce sont eux qui gèrent la politique pénale et ont un pouvoir de décision fort s’agissant de l’engagement de poursuites judiciaires contre les policiers auteurs de violences trop souvent mortelles (ou contre des citoyens ayant tué des jeunes afro-américains en situation de « légitime de défense »), alors même que l’impunité est sans doute un des principaux enjeux pratique et symbolique de la lutte contre les violences policières.

Il n’est évidemment pas question de détailler toutes les élections locales sur ces sujets, mais les élections au poste de « sheriffs » (rappelons que 90% des « sheriffs » sont des hommes blancs) auront par endroit une forte charge symbolique. On pense par exemple à la tentative de réélection de la « district attorney » de Brunswick en Géorgie, pourtant accusée d’avoir un peu trop vite dédouané les meurtriers (blanc) d’un jeune afro-américain qui avait eu le malheur de faire un jogging dans leur quartier, quelques semaines avant la mort de George Floyd ; ou au comté de Breward en Floride, où un « sheriff » aux méthodes très controversées et atypiques est devenu une des incarnations du discours du Président Trump sur la loi et l’ordre et affrontera un candidat afro-américain dans une ambiance tendue.

Mais aussi à des « sheriffs » qui ont refusé d’appliquer les obligations de fermeture de certains commerces imposées par les gouverneurs en raison du coronavirus. Mais on regardera aussi le sort des « sheriffs » qui ont a contrario refusé d’appliquer les politiques anti-immigration inhumaines mises en œuvre par l’administration Trump.

On retrouve ainsi dans de nombreuses élections pour désigner les « sheriffs », comme dans le comté de Maricopa dans l’Arizona (le 4ième plus peuplé des Etats-Unis avec plus de 4 millions d’habitants), les sujets de polarisation politique qui traverse le pays et ont été exacerbés pendant le mandat de Donald Trump.

Au niveau municipal, l’élection à la mairie de la ville de Portland, dans l’Oregon, sera scrutée avec attention. Ce bastion de la gauche progressiste a fait la une des journaux depuis le printemps avec des manifestations quotidiennes pour le mouvement « Black Lives Matter », la création (très temporaire) d’une ZAD, des heurts violents et réguliers avec la police, des déclarations incendiaires du Président Trump citantla ville comme exemple de « l’anarchie » liée à la mauvaise gestion des autorités démocrates7Avec un moment étonnant lorsque Donald Trump a expliqué lors du premier débat présidentiel avoir le soutien du sheriff de Portland, ce dernier – qui est en réalité sheriff du comté niant avec humour dans la foulée., une intervention très controversée des autorités fédérales pour rétablir l’ordre en envoyant des forces de l’ordre fédérales avec un mandat flou et sans l’accord du gouverneur, etc.

Le maire sortant, qui affronte une candidate démocrate progressiste,fait l’objet de critiques virulentes sur l’usage de la force policière pendant les manifestations. Si cette candidate était élue, nulle doute que Portland deviendrait une ville prête à expérimenter de nouvelles méthodes de maintien de l’ordre (et un point de fixation pour les conservateurs adeptes des politiques répressives).

Portland et l’Oregon seront aussi sous les projecteurs en raison d’une autre caractéristique des élections générales : les referendums d’initiative citoyenne, grande tradition de la démocratie américaine, notamment dans l’Ouest (certains états n’ouvrent pas cette possibilité), qui ne relève pas seulement du folklore mais porte des enjeux importants et peuvent permettre dans certains états d’amender la constitution.

Dans l’Oregon, il s’agit de se prononcer sur la dépénalisation de la consommation de certaines drogues, avec une proposition qui va très loin en la matière puisque seraient inclues des drogues dures, pour une consommation en petite quantité. Les économies réalisées en matière de budget des forces de police seraient fléchées vers des programmes de désintoxication. Sans aller aussi loin, plusieurs autres états statueront sur la légalisation de la marijuana.

Ailleurs, c’est la politique pénale qui sera discutée, comme par exemple dans le Kentucky où une initiative vise à renforcer les droits des accusés, en Californie où il est proposé de mettre fin aux libérations sous caution, ou dans l’Oklahoma où le taux d’incarcération de la population est le plus élevé dans le monde, et où une proposition de suppression de l’automaticité des peines en cas de récidive est soumise à l’approbation des habitants.

On pourrait aussi évoquer un referendum en Californie sur la restauration d’une politique de « discrimination positive » dans les universités (elle avait été supprimée en 1996), un référendum en Floride sur l’instauration progressive d’ici 2026 d’un salaire minimum de 15 dollars par heure (qui devra être approuvée par plus de 60% des électeurs pour être validée) ou un autre referendum soumis aux californiens à l’initiative de Lyft et Uber, qui à revenir sur la décision des autorités californiennes de considérer les chauffeurs de VTC comme des salariés.

Un autre referendum entre fortement en résonance avec l’actualité de l’année 2020 et les mouvements de lutte contre les inégalités raciales : il s’agit de la proposition visant à entériner le choix d’un nouveau drapeau du Mississippi (qui représente désormais un magnolia) pour remplacer l’ancien drapeau sur lequel figurait comportait l’emblème confédéré. Suite aux protestations contre l’usage officiel du drapeau confédéré déclenchées par la mort de George Floyd, les parlementaires du Mississippi ont effet décidé l’été dernier dans un accord bipartisan de changer de drapeau.

Nouveau drapeau du Mississippi, destiné à remplacer celui en vigueur depuis 1894 qui incluait l’emblème confédéré.

Pour ne pas donner l’impression que l’ensemble des referendums vise à l’émancipation des citoyens et au progrès social, on notera aussi un referendum dans le Montana visant à limiter le pouvoir de réglementation des autorités en matière de restriction du port d’armes, ou une proposition en Louisiane pour tenter de limiter le droit à l’avortement8On notera aussi qu’on soupçonne certaines propositions très progressives, en matière d’immigration, d’être des chiffons rouges portées par des organisations conservatrices dans le seul but d’inciter certains électeurs conservateurs potentiellement abstentionnistes à aller voter pour rejeter ces propositions, en espérant en bénéficier sur le reste du bulletin de vote..

Mais on préférera terminer ce panorama rapide en évoquant à nouveau les règles électorales puisque les électeurs sont consultés sur le sujet dans plusieurs états ou municipalités (à San Francisco, un des referendum porte sur l’abaissement de l’âge légal pour voter aux élections municipales à 16 ans).

En Alaska et dans le Massachussets, il est proposé d’instaurer le vote par classement des candidats : ce système prévoit que les électeurs classent les candidats par ordre de préférence, les bulletins ayant placé en 1er choix un candidat qui n’arriverait pas dans les deux premiers étant attribué au mieux classé de ces deux candidats sur le bulletin en question, ce qui revient à introduite indirectement un système à deux tours. Ce système, déjà en vigueur dans le Maine où il pourrait déterminer le sort de l’élection sénatoriale très disputée, pourrait avoir un impact important sur les résultats électoraux s’il était un jour plus largement adopté.

Enfin, une proposition très importante pour l’accès au vote sera examinée par les électeurs en Californie : l’ouverture du vote aux Américains ayant fait l’objet d’une condamnation pénale. La Californie est un des derniers états à avoir encore ce type de restriction.

En Floride un referendum avait supprimé une disposition du même ordre en 2018, ouvrant le droit de vote à plusieurs centaines de milliers de personnes, avant que le gouverneur et les législateurs floridiens ne contournent le vote populaire en introduisant l’obligation de s’acquitter de toutes les amendes et frais liés à une condamnation avant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales. La Cour Suprême de l’état de Floride, dont les membres sont désignés par le gouverneur, a confirmé la validité de cette disposition qui avait été bien sûr attaqué en justice, nombreux floridiens ont à nouveau été privés du droit de vote en 2020.

L’élection présidentielle semble avoir mobilisé énormément d’électeurs cette année et les scrutins du « bas du bulletin » devraient bénéficier de cette hausse de la participation, ce qui ne pourra qu’augmenter la légitimité des résultats.

Mais cette participation probablement record aura aussi été provoquée par la mobilisation d’organisations de défense des droits civiques qui ont multiplié les initiatives en faisant souvent preuve de créativité et en insistant aussi sur le « down ballot ». On invitera donc de nouveau le lecteur à regarder ce spot extraordinaire sur la forme comme sur fond puisqu’il évoque tous les conséquences concrètes que peut avoir le vote pour les élections locales.

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