Biden a-t-il gaffé en annonçant une extinction à terme de l’industrie pétrolière américaine ?

La discussion de fond sur le changement climatique entre Joe Biden et Donald Trump a sans doute été la plus commentée du second débat présidentiel qui s’est déroulé le 22 octobre.

Joe Biden a en effet déclaré, puis répété et assumé ce « big statement », qu’il comptait organiser une transition progressive du secteur énergétique et donc de l’industrie pétrolière et gazière vers les énergies renouvelables afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le camp Trump considérait déjà depuis de longues semaines que les déclarations ambiguës de Joe Biden sur la fracturation hydraulique pouvait porter tort au candidat démocrate.

Car si Biden répète maintenant sans cesse qu’il ne compte pas interdire à court terme la fracturation hydraulique, mais seulement la réglementer pour en limiter les nuisances et arrêter cette pratique sur les terres propriétés du gouvernement fédéral, il a été moins clair par le passé – cf. cette vidéo préparée par le camp Trump rappelant ses déclarations passées sur le sujet – mais surtout, sa colistière Kamala Harris, avait clairement pris position, lorsqu’elle était candidate à l’investiture démocrate, pour l’interdiction de la fracturation hydraulique.

On pouvait dès lors dans le camp Trump en faire une illustration du risque de voir la « gauchiste » Kamala Harris prendre l’ascendant sur un Président vieillissant pour faire avancer un agenda « progressiste » (dans le camp Trump, on dit « socialiste »).

Trump agitait aussi régulièrement le spectre de décisions radicales en matière de lutte contre le changement, expliquant pendant ses meetings que les démocrates veulent supprimer l’élevage, économiser l’eau pour les poissons de la mer ce qui oblige les gens à tirer plusieurs fois la chasse d’eau, construire des maisons avec des toutes petites fenêtres pour améliorer l’isolation thermique – il l’a redit lors du dernier débat, après l’avoir expliqué lors d’une interview sur Fox News1L’auteur est conscient d’avoir déjà évoqué cette question des petites fenêtres dans de précédentes chroniques. Mais il ne s’en est toujours pas remis..

Mais, cette fois, il ne s’agissait plus de contester la sincérité des engagements de Biden sur un sujet jugé sensible, mais simplement d’utiliser une déclaration faite par le candidat lui-même lors d’un débat regardé par plus de 60 millions de téléspectateurs.

C’est ainsi que dès la fin du débat on a commencé dans le camp Trump à parler de « gaffe » et chercher à faire monter la sauce sur cette déclaration

Donald Trump a immédiatement perçu lors de débat l’opportunité de piéger son adversaire2Il se compare depuis au détective de la série Perry Mason, puisque cet événement est intervenu en toute fin de débat. et de déclarer que Joe Biden voulait « fermer » l’industrie pétrolière, détruire des millions d’emplois et entraver les Etats-Unis dans leur compétition avec la Chine3Lors du débat, interrogé par Trump sur sa capacité à obtenir des engagements de la Chine en matière de lutte contre le changement climatique, Biden a à juste titre expliqué que c’était justement pour faire pression sur la Chine qu’il voulait réintégrer l’ Accord de Paris, oubliant malheureusement de signaler que le président XI Jiping avait lui-même annoncé le 23 septembre lors de son discours devant l’assemblée générale des Nations-Unies que la Chine visait la neutralité carbone « avant 2060 »..

Trump a depuis insisté sans cesse sur le sujet, appelant régulièrement sur Twitter ou lors de ses meetings de campagne, comme il l’avait déjà fait lors du débat, les électeurs des états « pétroliers » et « gaziers », et notamment le Texas et la Pennsylvanie (où le scrutin présidentiel promet d’être serré) à bien écouter cette déclaration, que le Président estime d’ailleurs être la « plus choquante déclaration de l’histoire des débats présidentiels ».

Donald Trump cherchait désespérément depuis des mois un angle d’attaque contre Joe Biden et espérait, à défaut d’en trouver un de lui-même, une gaffe puisque Biden a la réputation d’en être coutumier. Le camp Trump avait déjà dépeint plusieurs déclarations de Biden comme des gaffes4On pense par exemple au moment où le candidat démocrate s’était un peu emballé s’agissant des électeurs afro-américains tentés de voter pour Donald Trump ., sans succès – il faut dire que la propension du Président sortant à multiplier lui-même les déclarations problématiques empêchait les petits dérapages de Joe Biden d’occuper longtemps la une de l’actualité et de cristalliser.

Cette fois, le Président sortant et ses soutiens républicains ont réussi à installer solidement dans le paysage médiatique et politique une déclaration de Joe Biden qui leur paraît gênante pour le candidat démocrate.

De fait, une partie de la presse, au-delà même des classiques soutiens de Trump (i.e. Fox News, Wall Street Journal, sans parler des publications d’ultra-droite), a emboîté le pas au camp Trump pour qualifier cette déclaration de « gaffe », de « plus mauvais passage » du débat, de « déclaration qui pourrait bien le hanter en cas de défaite », etc.

Les mêmes ont monté en épingle le fait que l’équipe de campagne de Biden avait pris la parole dans la foulée du débat pour « clarifier » la position du Président et les prises de distance de deux candidates démocrates à la Chambre des représentants, engagées dans des élections serrées pour le Congrès dans des états « pétroliers » (l’une au Nouveau Mexique, l’autre dans Oklahoma) .

Les déclarations de Biden après le débat indiquant qu’il ne comptait pas « se débarrasser » de l’industrie pétrolière et gazière mais supprimer les subventions à ce secteur et organiser une transition dans le temps ont également été présentées comme un rétro-pédalage et donc la confirmation qu’il y avait bien eu « gaffe ».

Pourtant, ces déclarations ne sont pas différentes de celle formulées par Joe Biden bien avant et pendant le débat, si on les regarde attentivement sans s’en tenir à leur réinterprétation par Trump.

Donald Trump : Est-ce que tu comptes fermer l’industrie pétrolière ?

Joe Biden : J’organiserai la transition pour sortir des industries fossiles, oui. [Interruption de Donald Trump] Parce elles doivent être remplacer par des énergies renouvelables à terme. A terme. Et j’arrêterai de donner des subventions du gouvernement fédéral au secteur des énergies fossiles. [Nouvelles interruptions] Nous devons atteindre la neutralité carbone. Avec une première étape pour le secteur de la production d’énergie en 2025. Et définitivement en 2050.

Echange entre Donald Trump et Joe Biden à la fin du débat du 22 octobre. La seule « erreur » porte sur l’étape de 2025 qui, dans le plan « climat » de Joe Biden, vise le secteur électrique et non pas le secteur énergétique.

En réalité, quiconque ayant lu le plan « climat » du candidat démocrate dévoilé en juillet dernier ou écouté Biden présenter ses engagements sur la lutte contre le changement climatique dans d’autres interventions publiques, par exemple lors du premier débat le 29 septembre (et donc peut-être les journalistes de la rubrique scientifique, qui sur un sujet « politique » ont laissé, comme souvent, la place aux journalistes politiques) savait à quoi s’en tenir : pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut bien en passer par une sortie, à terme, des énergies fossiles et de la fracturation hydraulique.

Dans une campagne où les candidats ont peu d’opportunités d’expliquer en détail une position articulée sur un sujet complexe, et où l’un des candidats ne cesse de travestir les déclarations de son adversaire, parler dans le détail de politiques énergétique (ou industrielle, agricole, urbaine, etc..) est quasiment impossible.

Et même si Joe Biden a diffusé des propositions précises sur la baisse progressive de la part d’énergies fossiles dans la matrice énergétique au profit des énergies renouvelables et sur la création de nouveaux emplois pour compenser les pertes d’emplois dans les bassins de production traditionnels d’énergie fossile, on peut parier qu’il n’aura guère d’opportunité de les faire valoir d’ici à l’élection.

Dans ce contexte, tout le monde s’interroge sur l’impact de ce sujet sur le scrutin présidentiel, et en particulier en Pennsylvanie et au Texas, deux « battleground states » (« états champs de bataille ») clé pour le résultat final.

Le sujet est arrivé très tardivement sur le devant de la scène, alors qu’il ne restait plus qu’une dizaine de jours. A ce jour, près de 70 millions d’électeurs ont déjà voté, et dans certains états, les bulletins déjà déposées représentent une proportion très importante du nombre de votes enregistrés en 2016. C’est par exemple le cas au Texas où plus de 7 millions d’électeurs, soit plus de 80% du nombre de votants en 2016, se sont déjà prononcés.

Reste qu’on peut imaginer que ceux qui n’ont pas encore voté sont relativement davantage susceptibles d’hésiter sur leur choix et de changer d’avis. En outre, la Pennsylvanie est un des états où les électeurs ont eu le moins recours aux différentes modalités de vote anticipé (celles-ci sont des nouveautés dans cet état et on imagine que beaucoup d’électeurs, par ailleurs intoxiqués par les déclarations de Trump sur les risques de fraude liés au vote par correspondance, préfèrent voter en personne le 3 novembre).

Cela étant, on l’a beaucoup répété dans ces chroniques et encore après le dernier débat, on a l’impression que l’élection ne se joue pas tant sur le contenu du programme des deux candidats5Sachant que Donald Trump n’en a pas vraiment, mais ce n’est pas le sujet ici. que sur le contraste en matière de personnalité, de valeurs et de « leadership ».

Mais en réalité, la première question à se poser n’est pas tant de savoir si une polémique sur l’avenir de l’industrie pétrolière peut relancer la campagne présidentielle, mais plutôt de savoir si la fin annoncée de l’industrie pétrolière américaine est un sujet polémique pour les électeurs.

Car Donald Trump et les républicains (et la partie de la presse qui qualifie ce positionnement de bévue) sont peut-être bien en retard d’une génération sur la question du changement climatique.

Enfermés dans leur contestation du rôle des activités humaines dans le changement climatique, et de la dangerosité du changement climatique, le Président sortant et les républicains ne voient pas qu’en réalité une majorité des américains n’en est plus à se poser des questions sur la pertinence de la lutte contre le changement climatique. Les républicains oublient aussi que Barack Obama avait été élu en 2008 avec un programme ambitieux sur le changement climatique, sans que cela pose problème -il faut dire que son adversaire républicain John McCain était lui aussi convaincu par l’importance du sujet et un des pionniers de la lutte contre le changement climatique.

Les américains sont de plus en plus préoccupés par le changement climatique. Le sujet est certes très partisan mais ce n’est pas en contestant l’existence du changement climatique que Trump peut compter rallier des électeurs au-delà de sa base électorale.

Les américains semblent bel et bien convaincus, si on en croit un enquête approfondie du Pew Research Center menée au printemps 2020, que le gouvernement doit en faire davantage dans la lutte contre le climatique et notamment développer les énergies renouvelables (position majoritaire y compris chez les électeurs républicains, à l’exception de ceux qui se déclarent résolument conservateurs).

Mais le camp Trump semble miser sur l’argument, déjà défendu par le Président Bush père au début des années 90, de l’impact économique négatif des plans de lutte contre le changement climatique.

Cependant Donald Trump, qui revendique pourtant une expertise, liée à son passé d’hommes d’affaires, en matière d’économie, n’a pas l’air de réaliser, que le secteur énergétique américain a considérablement évolué ces dernières années. Certes, la fracturation hydraulique a permis d’exploiter de nouvelles ressources et donné ainsi une indépendance énergétique aux Etats-Unis, accomplissement stratégique important dont se félicite le Président.

Mais il oublie que les secteurs pétrolier et gazier et les sites utilisant la fracturation hydraulique sont en grande difficulté économique, car ce ne sont pas (surtout s’agissant de la fracturation hydraulique) des activités rentables quand le prix du pétrole est faible. S’agissant de la fracturation hydraulique, l’eldorado annoncé est loin d’être confirmé et certaines régions, par exemple en Pennsylvanie, ont plutôt déchanté, entre conséquences environnementales préoccupantes et bénéfices limités pour l’emploi local – et de fait la fracturation hydraulique ne représente que 1% des emplois en Pennsylvanie.

Focalisé sur son combat contre les éoliennes qui gâcheraient le paysage dans ses golfs (il a dit pendant le débat que les éoliennes tuaient beaucoup d’oiseaux, argument classique des « anti-éoliennes »), Donald Trump oublie aussi que le développement des énergies renouvelables est en plein boom partout aux Etats-Unis, y compris au Texas et en Pennsylvanie, parfois à l’initiative des groupes pétroliers eux-mêmes qui cherchent à diversifier leurs économies. Pourtant lecteur avide des cours bousiers, il n’a apparemment pas noté que le groupe historique ExxonMobil a été écarté du Dow Jones le 31 août dernier pour cause de chute trop forte de son cours.

Dans ce contexte, de nombreux américains sont favorables au développement des énergies renouvelables et y voient une opportunité économique importante, surtout dans le contexte, suite à la pandémie, d’une remise à plat d’un certain nombre de modèles économiques et de la nécessité de trouver des sources de croissance pour relancer l’économie.

C’est ainsi qu’un sondage récent du NY Times et de l’université de Siena montre que 66% des personnes interrogées (et même 45% de celles se déclarant affiliées au parti républicain) soutiennent la mise en œuvre d’un plan de développement des énergies renouvelables et de développement d’infrastructures économes en énergie, d’un montant de 2 000 milliards de dollars. C’est-à-dire la principale mesure du plan de lutte contre le changement climatique porté par Biden (ce que ne précisait pas, de façon intéressante, la question posée pendant le sondage).

Et ce n’est pas pour rien que Biden a longuement insisté lors du débat, sur le potentiel économique porté par son programme en matière de transition énergétique, et notamment sur les créations d’emplois qui l’accompagneront. C’était déjà le cas lors de son discours du 14 septembre dernier dédié au sujet.

« Quand Donald Trump pense au changement climatique, il pense que c’est un canular. Quand j’y pense, je pense emplois. Des emplois bien payés pour donner du travail aux Américains et construire une nation plus forte et plus résiliente face au changement climatique. Une nation modernisée, avec une distribution d’eau et des infrastructures de transport modernisées. Des réseaux d’énergie capable de supporter des conditions météorologiques extrêmes et variables.

Quand Donald Trump pense « énergie renouvelable », il voit des éoliennes dont il pense qu’elle cause le cancer. Je vois une industrie américaine, des travailleurs américains qui se battent pour dominer le marché mondial, je vois des agriculteurs qui font de notre agriculture la première dans le monde à atteindre la neutralité carbone. Et qui du coup ont de nouvelles sources de revenu.

Quand Donald Trump pense aux ampoules LED, il dit qu’il n’aime pas ça parce qu’il n’aime pas la lumière que cela fait. Il faut dire qu’elles le font toujours paraître orange. Moi, je vois des petits commerces et des électriciens qui conçoivent et installent des dispositifs innovants économes en énergie, qui rénovent des logements dans tous le pays. Je vois une opportunité pour réduire notre consommation électrique et économiser des centaines de milliers de dollars par an sur les factures de consommation d’énergie. »

Joe Biden, le 14 septembre 2020

Les experts économiques, cf. par exemple dans l’analyse comparée des programmes des deux candidats réalisée par Moody’s analytics, confirment d’ailleurs que le programme économique de Biden devrait créer plus d’emplois et de croissance que celui du Président sortant, même si les experts restent prudents sur l’impact du volet « climat », compte tenu de son caractère sans précédent et de l’imprévisibilité créée par la pandémie de coronavirus.

Si Biden n’a pas hésité depuis quelques semaines à faire du changement climatique un des sujets sur lesquels il insiste le plus quand il est question de fond, c’est sans doute parce qu’il est sincèrement convaincu de l’importance du sujet et de la nécessité d’agir très vite.

Il semble d’ailleurs l’être chaque jour davantage. Il faut dire qu’il est entouré des meilleurs spécialistes américains des questions climatiques, dont la plupart ont fait leurs armes dans l’administration Obama et dans les états les plus en pointe dans les politiques de lutte contre le changement climatique, comme la Californie des gouverneurs Brown et Newson et l’état de Washington dirigé par le gouverneur Jay Inslee, ancien candidat à la primaire démocrate avec une plateforme 100% climat, et dont les équipes climat sont venu renforcer celle de Biden au printemps dernier pour notamment contribué à établir la « plateforme » de campagne du parti démocrate.

Mais Joe Biden est aussi un candidat prudent et avisé, si on en juge par la façon dont il a mené campagne, et il dispose probablement d’enquêtes d’opinion internes qui confirment les sondages évoqués précédemment et qui montrent que le sujet est désormais bien plus consensuel qu’on ne le croit, en particulier au sein des électeurs qu’ils cherchent à attirer ou conserver et même dans les états clés du scrutin – on suppose qu’il a depuis longtemps fait une croix sur les électeurs climato-sceptiques, qui font sans aucun doute partie des fervents supporters de Donald Trump.

Cela concerne évidemment l’électorat jeune et les mouvements progressistes qui ont évidemment positivement réagi à ses engagements répétés en la matière, par exemple lors du second débat.

Mais le sujet est manifestement aussi important pour les fameux électeurs – et les électrices – des banlieues résidentielles, les plus touchés par les catastrophes météorologiques récentes  : les feux géants de Californie, aggravés par des sécheresses inédites ont dévasté les banlieues résidentielles de Los Angeles et San Francisco, les ouragans hors normes ont ravagé les côtes fragiles et surpeuplées, du Texas, de la Floride ou de la Louisiane.

Les républicains n’ont pas compris que la notion de « sécurité » pour les électrices de banlieue allait au-delà de la simple question de la lutte contre la délinquance ou les émeutes, ou de la préservation de l’entre-soi. Donald Trump continue à faire campagne, pour séduire cet électorat dont il peine manifestement à comprendre pourquoi il semble se tourner vers Joe Biden, sur la lutte contre la mixité sociale.

Or, pour ces électeurs, et apparemment surtout ces électrices, la « sécurité », c’est aussi la capacité à se soigner (d’où l’importance des questions relatives aux dispositifs publics d’assurance-santé dans l’élection de 2020) mais aussi à se protéger des catastrophes environnementales et à préparer l’avenir pour ses enfants en limitant l’impact du changement climatique.

Joe Biden, lui, l’a compris, et ce n’est pas pour rien qu’interrogé sur le sujet lors du numéro spécial présidentiel, toujours très regardé, de l’émission 60 minutes, diffusé le 25 octobre, il a insisté sur le fait que « les banlieues résidentielles avaient changé depuis les années 50 », contrairement à ce que pensait Donald Trump.

C’est ainsi qu’il a consacré une partie du discours sur le changement climatique prononcé le 14 septembre au pic des feux touchant la côté ouest des Etats-Unis, à la question de l’impact du changement climatique sur ces banlieues résidentielles.

« Donald Trump nous explique que la mixité sociale est une menace pour nos banlieues résidentielles. C’est ridicule, parce que vous savez ce qui menace nos banlieues résidentielles ? Les feux qui ravagent ces banlieues dans l’Ouest. Les inondations qui détruisent ces banlieues dans le Midwest. Les ouragans qui menacent ces banlieues le long de nos côtés.

Si nous repartons pour 4 ans avec un Trump qui nie l’existence du changement climatique, combien de banlieues résidentielles vont brûler ? Combien seront submergées par les inondations ? Combien seront détruites par d’énormes ouragans ? »

Joe Biden, le 14 septembre

On voit aussi des candidats à un siège au Sénat, comme Theresa Greenfield6Que l’auteur aime bien, on l’aura compris en lisant la chronique sur les élections sénatoriales. dans l’Iowa, état conservateur rural (où le secteur des biocarburants est aussi en plein essor), insister, dans la dernière ligne droite d’un scrutin hyper-serré, sur les catastrophes climatiques et la nécessité de travailler sur le sujet, ou pointé le soutien de son adversaire à des mesures promues par le secteur des énergies fossiles et empêchant le développement des biocarburants.

On se souvient d’ailleurs que lorsque le milliardaire Michael Bloomberg s’est lancé dans la course à l’investiture démocrate, il misait avant tout sur le vote des électeurs centristes et modérés et qu’un de ces principaux thèmes de campagne7L’autre étant qu’il saurait agir, car il était, lui, un vrai « self made man » et non pas un « fils à papa » comme Trump. était justement la lutte contre le changement climatique, sujet auquel il consacre depuis de nombreuses années une partie de sa fortune au travers de sa fondation notamment8Bloomberg Philanthropies finance massivement la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique, a financé le campagne « we are still in » des états et villes des Etats-Unis qui continent à s’engager sur le sujet malgré l’absence du gouvernement fédéral (campagne qui a fait des émules au Brésil, en Australie, etc.)..

Bloomberg qui a construit sa fortune sur l’analyse de données, avait probablement lui aussi des éléments tangibles sur le caractère porteur de son message sur le changement climatique. Et s’il a perdu lors de la primaire, ce n’est pas pour avoir effrayé les électeurs avec sa volonté de lutter contre le changement climatique, mais bien pour des questions de personnalité (décidément un thème de cette élection présidentielle) et notamment de comportement avec les femmes et les minorités, y compris lors de ses mandatures à la mairie de New York.

En réalité, les électeurs modérés et ceux qui se revendiquent « indépendants » (c’est-à-dire sans affiliation partisane dominante), dont le vote est souvent déterminée par des questions économiques9C’est pour cela qu’ils refusent de déclarer partisans de partis dont le socle idéologique repose aujourd’hui largement sur des questions de « valeurs ». sont probablement sensibles aux perspectives prometteuses en matière de développement économique.

Ils sont aussi probablement gênés par le soutien financier massif apporté par le gouvernement fédéral à un secteur des énergies fossiles de moins en moins viable. L’approche de Biden, consistant à faire de la suppression des subventions fédérales à ce secteur la première étape de la transition énergétique est de ce point de vue habile politiquement (en plus d’être efficace concrètement) dans un pays où le soutien public à l’économie est toujours regardé avec beaucoup de circonspection.

Un sondage réalisé dès le lendemain du débat – à prendre donc avec les précautions d’usage – par Politico et Morning Consult montre d’ailleurs clairement que les américains sont majoritairement plutôt favorables à une extinction progressive de l’industrie pétrolière au projet de la production d’énergies renouvelables, contre un peu plus d’un quart seulement des personnes interrogées qui s’y opposeraient. Et si ce sont les démocrates et les urbains qui sont le plus convaincus, les électeurs indépendants ou les électeurs de banlieues résidentielles sont aussi assez nettement en faveur de cette mesure.

Au final, on serait donc plutôt tenté de ne pas parler de « gaffe », tant il est clair que la lutte contre le changement climatique n’est pas vue par le camp Biden comme un sujet « honteux » qu’il ne faudrait activer que prudemment et de façon ciblée pour l’aile gauche du parti, mais plutôt comme un sujet de campagne porteur et revendiqué.

C’est ainsi que Biden n’a pas hésité à annoncer à nouveau la fin des subventions au secteur des énergies fossiles et la volonté de développer les énergies renouvelables lors d’un meeting organisé en Pennsylvanie deux jours après le débat.

Il n’hésite pas non plus à en faire un argument de campagne grand public, comme en témoigne le fait qu’il a récemment diffusé un spot télévisé sur le sujet – précisément sur les conséquences du changement climatique sur le secteur agricole – dans le Michigan, qui est pourtant le berceau de l’industrie automobile américaine, ce qui, pour un stratège républicain, serait probablement un non-sens.

L’auteur ne peut que se réjouir de voir la lutte contre le changement climatique être au cœur de la campagne électorale américaine, qui a pourtant abordé trop peu de sujets de fond. Et surtout de voir Joe Biden, qui est décidément bien plus tourné vers l’avenir et ambitieux qu’on aurait pu le croire, faire de ce sujet le cœur de son programme économique (c’est le seul sujet économique précis qu’il a évoqué dans sa déclaration de conclusion lors du débat du 22 octobre, comme l’a évidemment remarqué le mouvement Sunrise) et assumer des positions tranchées qui, de surcroît, sont maintenant assumées par tous les pays du G7 sans exception.

On a dès lors, d’autant plus envie qu’il gagne, y compris parce que le camp démocrate pourrait attribuer une éventuelle défaite à la mise en avant de ces questions et occasionner un retour en arrière.

Mais il faut cependant être conscient qu’une fois élu, Joe Biden aura fort à faire, même si les démocrates récupèrent la majorité au Sénat, pour convaincre le Congrès d’agir vite et fortement en la matière, tant les résistances politiques, activées par des lobbys et des acteurs économiques qui financent massivement la classe politique américaine, seront importantes.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.