Faut-il craindre le chaos dans les jours qui suivront l’élection  ?

Ces dernières semaines, Donald Trump a refusé à plusieurs reprises de s’engager par avance à reconnaître le résultat du scrutin présidentiel et à assurer une passation de pouvoir sereine. Et à chaque fois, au-delà des pirouettes expliquant que la question ne se pose pas puisqu’il va gagner, il a aussi justifié cette position en expliquant ne pas avoir confiance dans le processus électoral, qui faciliterait les fraudes au bénéfice de son adversaire démocrate, suscitant de fortes inquiétudes quant à ce qui pourrait arriver lors de la soirée électorale et dans les jours qui suivront.

On sait que Donald Trump n’assume jamais rien et qu’il tient plus que tout à son image de « winner ». Il ne peut donc pas « perdre ». Il peut seulement « gagner »… ou « être volé ». Distancé dans les sondages, sans signes perceptibles d’évolution favorable, il commence d’ailleurs à chercher des excuses de tout côté, accusant la presse de favoriser son adversaire, les sondages négatifs, les démocrates qui exagéreraient sciemment l’impact du coronavirus ou qui refuseraient de « ré-ouvrir » l’économie, la Chine d’avoir envoyé le virus aux Etats-Unis, et, donc, les élections truquées.

Or il est de tradition que, une fois l’issue du scrutin certaine, c’est-à-dire le plus souvent dans la nuit qui suit la fermeture des bureaux de vote, le candidat vaincu appelle le vainqueur pour reconnaître sa défaite, avant de faire une déclaration publique qui met fin, d’une certaine manière, aux élections. Et si cela prend parfois plus de temps, comme dans l’élection présidentielle entre Al Gore et George W. Bush en 2000, le vainqueur est toujours en fin de course adoubé par le vaincu.

On voit mal Donald Trump se plier à cet exercice. Il y a 4 ans déjà, il avait mis en doute par avance la sincérité du scrutin et tout le monde se demandait s’il allait respecter le rituel du discours de « concession » de la défaite. Mais les interrogations n’allaient pas beaucoup plus loin et ses vociférations sur les élections truquées n’étaient pas vraiment prises au sérieux.

Mais cette année, la perception collective sur le sujet est différente, car le Président a montré pendant les 4 années qui viennent de s’écouler qu’il n’avait aucun respect pour les institutions, et encore pour moins pour l’esprit de celles-ci, ni pour les traditions démocratiques américaines.

Et il n’est plus le seul dans le camp républicain à évoquer de supposées fraudes électorales – son vice-président Mike Pence lui-même, interrogé pendant le débat des candidats à la vice-présidence sur l’acceptation du résultat en cas de défaite et qui est censé incarné la « raison » dans le camp Trump, a repris à son compte les accusations du Président, alors qu’il s’était sans ambiguïté engagé à reconnaître le résultat du scrutin en 2016.

Trois grandes questions se posent alors. Le Président et ses alliés peuvent-il chercher à interférer dans le processus électoral ? Celui-ci, perturbé par la pandémie, est-il suffisamment solide pour donner des résultats incontestables dans des délais raisonnables ? Même si le Président n’est manifestement pas le vainqueur dans les urnes, lui et ses alliés peuvent-ils, en arguant des imperfections du processus électoral, déclencher une crise institutionnelle et comment, alors, en sortir ?

La critique du vote par correspondance comme prétexte pour modifier les règles électorales à l’avantage des républicains

Pour se protéger lui-même, ou ses proches, d’ennuis judiciaires, Donald Trump n’a pas hésité tout au long de sa présidence à instrumentaliser les pouvoirs présidentiels et les leviers exécutifs à sa main Pour ne citer que quelques exemples, il a abusé du droit de grâce en faveur de son entourage, utilisé le Department of Justice pour freiner certaines procédures envers lui et ses proches ou pour lancer des enquêtes contre ses adversaires politiques.

Il n’a donc jamais non plus hésité à utiliser à son profit les leviers exécutifs à sa main, en mobilisant en vue de sa campagne électorale, ce qui est illégal, les moyens de la Maison-Blanche (par exemple en prononçant le discours de clôture de la convention républicaine depuis le jardin de la Maison-Blanche, ou tenant des meetings dans ce même jardin).

Il a aussi mobilisé le Ministère de la Justice (lequel a envoyé dans les villes agitées par les manifestations, sans réel support juridique pour le faire, des agents fédéraux pour montrer sa détermination à mettre en œuvre le slogan « law and order ») ou le Ministère des Affaires Etrangères (il suffit de repenser à sa tentative d’échanger, à l’été 2019, l’aide militaire promise à l’Ukraine contre l’ouverture d’une enquête pour corruption contre le fils de Joe Biden, affaire à l’origine de la procédure d’« impeachment » de l’hiver dernier).

Et s’il n’a pas toujours pu aller au bout de ses intentions (le ministre de la Justice n’a pas donné suite aux injonctions du Président d’ « arrêter » Barack Obama et Joe Biden)1Mais le Secretary of State s’est déclaré prêt à rendre publique la correspondance d’Hillary Clinton, sans qu’on sache vraiment ce que cela pourrait rapporter au Président., on s’est rendu compte qu’il avait en réalité à sa main de nombreux leviers et suffisamment de personnes potentiellement prêtes à le suivre, pour pouvoir interférer dans le processus électoral.

On ne sait pas vraiment pourquoi le Président a pris en grippe le vote par correspondance. Les cas de fraudes avérées sont très limitées et n’ont jamais remis en cause le résultat d’une élection, comme le rappelait dès le printemps le bilan en la matière du Think Tank Brennan Center for Justices.

Le directeur du FBI lui-même avait rappelé devant le Sénat fin septembre puis à nouveau le 21 octobre que les allégations relatives au risque de fraude lié au vote par correspondance n’étaient pas avérées et devaient être reçues avec précaution et scepticisme2Ce qui aurait suscité la colère du Président à son encontre, lui qui était déjà mal vu pour avoir résisté à la pression du président d’ouvrir des enquêtes contre le camp Biden ou rappelé devant le Sénat que les groupes de suprémacistes blancs et les milices d’ultra-droite présentaient plus de menaces pour l’ordre public que les groupes d’extrême gauche..

Par ailleurs, si on se place du point de vue utilitariste du Président, rien ne prouve selon les rares études disponibles, que le vote par correspondance favorise l’un ou l’autre des camps. Certains élus républicains ont d’ailleurs expliqué qu’alors que la pandémie touchait d’abord les personnes âgées, le vote par correspondance était un moyen d’assurer la participation de cet électorat théoriquement acquis au camp républicain.

Mais Donald Trump considère peut-être que les démocrates ayant, de façon très nette selon les sondages, davantage peur que les républicains de la pandémie, les électeurs de Joe Biden seront davantage réticents à se rendre physiquement dans les urnes et qu’il lui est donc profitable de compliquer le voter par correspondance.

Et de fait, sans doute aussi parce que Trump lui-même a dénigré le vote correspondance, il apparaît clairement dans les sondages et dans les premières analyses des votes déjà transmis, que les démocrates vont beaucoup plus que les républicains avoir recours à ce modalité de vote.

Trump a grossièrement et explicitement essayé de ruiner la faisabilité technique du vote par correspondance, d’abord en cherchant à étouffer financièrement la poste américaine (le « US postal service ») et en demandant au directeur de cette institution historique (le « postmaster general ») et très populaire de mener au pas de course des réformes structurelles (retrait des boîtes aux lettres et fermeture de bureaux de poste, augmentation des délais) et menaçant par contrecoup la capacité d’acheminement des bulletins de votes par correspondance.

Face à une levée de bouclier généralisée – et à laquelle ont même participé des élus républicains ruraux soucieux de préserver un des rares services publics mis à la disposition de leurs électeurs – le « postmaster general » , convoqué par le Congrès, a été obligé de faire machine arrière et d’apporter des garanties sérieuses sur le traitement et l’acheminement des bulletins transmis par correspondance.

De même, en refusant d’inclure des financements fédéraux aux exécutifs locaux pour l’organisation des élections dans les mesures économiques destinées à faire face aux conséquences de la pandémie, le Président et la majorité républicaine au Sénat ont sciemment cherché à compliquer l’organisation du vote par correspondance, ou en tout cas n’ont pas facilité l’envoi des bulletins, la gratuité du vote par correspondance, etc.

Surtout, en insistant à tout bout de champ sur le risque de fraude, le président Trump a préparé le terrain politico-médiatique pour que ses alliés républicains s’engagent massivement dans des processus législatifs ou juridiques visant à compliquer la participation au vote et notamment le vote par correspondance.

Rappelons-le, ce sont les états qui compétents en matière électorale. Ils organisent les élections (préparation des bulletins ou choix des machines en cas de vote électronique, installation des bureaux de vote, recrutement des scrutateurs, dépouillement, etc.) et définissent, dans le respect de certains règles fédérales, et notamment le Voting Rights Act de 1965, les modalités d’inscription, les critères d’éligibilité pour participer au vote, les modalités de justification de l’identité au moment du vote, etc.

L’histoire du droit de vote aux Etats-Unis est tumultueuse et les exemples de mesures adoptées tout au long de l’histoire pour priver, sous différents prétextes, les minorités ethniques, les plus pauvres ou encore aujourd’hui les anciens condamnés du droit de vote, sont nombreux : le lecteur pourra se référer à une chronique réalisée au printemps sur cette question dite du « disenfranchisement ».

Avant même l’irruption de la pandémie au printemps dernier, le « disenfranchisement » était loin d’être une question révolue. Il suffit de penser au cas de l’élection au poste de gouverneur de Géorgie en 2018, lorsque le gouverneur et son « ministre de l’intérieur » (qui était le candidat républicain…) ont été accusés d’avoir rayé des listes électorales « par erreur » plus de 300 000 électeurs – majoritairement afro-américains, qui ont découvert le jour de l’élection qu’ils n’étaient plus inscrits sur les listes électorales, alors que le scrutin s’est joué à 55 000 voix.

Ou à la question de l’exclusion des listes électorales d’anciens condamnés, qui fait toujours l’objet d’une bataille juridique âpre en Floride notamment: on considère que dans cet état, ces dispositions privent de droit de vote 20% de la population afro-américaine en âge de voter. A l’échelle du pays, une organisation de défense des droits civiques et des anciens condamnés estime ainsi que 6 millions d’américains ont été écartés par ce biais des élections en 2016.

Au motif de renforcer la sécurité de l’élection en période de pandémie, et parce que celle-ci entraîne davantage de recours au vote correspondance, les gouverneurs et exécutifs républicains en place dans certains états ont engagé toutes sortes de modifications des lois électorales visant à « renforcer la sincérité du scrutin ».

Et quand ils n’ont pas les manettes de l’exécutif, ils ont engagé des contentieux contre les règles existantes pour limiter l’accès au vote, compliquer la participation, etc. Le parti républicain assume d’ailleurs publiquement d’avoir engagé un effort juridique (et financier) « sans précédent » pour garantir « l’intégrité de l’élection ».

Côté démocrate, on se place dans la même logique, en essayant d’assouplir les règles en vigueur ou d’augmenter les possibilités de vote physique anticipé (ce qu’on appelle le « early voting », avec l’ouverture, parfois plus d’un mois avant l’élection, de quelques bureaux de vote pour permettre aux électeurs qui ne peuvent pas se déplacer le mardi 3 novembre ou qui craignent l’exposition au virus dans des bureaux de vote bondés, de voter plus tranquillement en amont), d’ouvrir la possibilité de déposer son bulletin par correspondance dans une boîte dédiée, dite « ballot drop box » plutôt que de le transmettre par la poste, etc.

Cela a entraîné plus de 400 contentieux, répartis dans la quasi-totalité des états et dont l’université de Stanford tient un décompte précis, dans la mesure où, alors même que les électeurs ont déjà commencé à voter (par correspondance ou physiquement) dans de nombreux états, certains contentieux n’ont pas encore définitivement jugés.

Lister tous les sujets de contentieux serait trop long d’autant que la créativité en matière de barrière au vote ne semble pas avoir de limites.

Quelques exemples néanmoins : une limitation drastique du nombre de bureaux de vote ouverts, face aux difficultés supposément rencontrées pour recruter des personnels pour superviser le processus et pour garantir des conditions sanitaires adaptées dans les bureaux ouverts. Déjà lors des primaires dans le Wisconsin ou en Géorgie, certains électeurs (le plus souvent dans des quartiers afro-américains) avaient été obligés de patienter plusieurs heures avant de pouvoir voter. Et le phénomène s’est reproduit, encore en Géorgie notamment, lorsque les premiers bureaux de vote pour le « early voting » ont été ouverts ces derniers jours, des files interminables et jusqu’à 11 heures d’attente.

Dans le même genre, le gouverneur républicain du Texas a décidé qu’il n’y aurait, dans chaque comté, qu’une seule boîte aux lettres officiellement habilitée à recevoir les bulletins de vote par correspondance3Pour l’anecdote, on a aussi vu le parti républicain installer en Californie des « ballot drop boxes » non officielles, déclarant que les électeurs pouvaient confier à qui il le souhaitait le soin d’acheminer leur bulletin vers les bureaux officiels. D’où un contentieux, encore en cours.. Ce qui fait que certaines personnes doivent faire plus d’une heure de route pour déposer leur vote par correspondance ou qu’il n’y a qu’une seule boîte pour plus de 2 millions d’habitants dans le comté de Harris (où les minorités ethniques représentent 45% de la population, contre 30% dans le reste du Texas). Un contentieux est évidemment en cours sur le sujet.

Autre sujet de discussion, la justification du recours au vote par correspondance. Certains états, en particulier dans le Sud, listent un certain nombre d’« justifications d’absence » qui peuvent être invoquées (impossibilité d’être présent, statut militaire, contrainte médicale, etc.) et ont choisi de ne pas considérer la crainte d’être infectée par le virus comme une « justification ». On notera que le Président Trump, inscrit en Floride, vote lui-même par correspondance mais fait la distinction (largement artificielle pour ce qui est du risque de fraude) entre « absentee ballot » (lorsque le vote par correspondance relève d’une liste de justifications pré-déterminées) et « mail-in ballot » (lorsque aucune justification n’est nécessaire).

La question des modalités de vérification de la validité des votes transmis par correspondance est également devenu un sujet de contentieux et de polémique permanent. Certains états exigent une parfaite correspondance (dont la vérification peut être réalisée par des yeux humains ou par des machines) entre la signature figurant sur l’enveloppe de transmission du bulletin de vote et celle figurant sur les listes électorales.

D’autres états ont imposé que l’enveloppe soit signée devant un témoin, comme dans le Wisconsin, ce qui n’est pas sans poser des questions en temps de pandémie (l’extrême en la matière étant l’Alabama, un état du Sud profond, qui exige que le vote vote par correspondance soit accompagné d’une photocopie d’un document d’identité et de deux témoignages).

Un débat politique et juridique en Caroline du Nord, où les scrutins présidentiel comme sénatorial promettent d’être serrés, montre bien jusqu’où peuvent aller ces discussions. Les défenseurs des droits civiques, préoccupés de voir que de nombreux bulletins de vote par correspondance d’électeurs afro-américains étaient rejetés ont obtenu que les autorités contactent les électeurs ayant transmis des enveloppes de transmission des bulletins présentant des doutes (par exemple sur la signature) pour leur donner la possibilité de lever ses doutes et de régulariser leur vote, afin d’éviter que leur vote ne soit pas pris en compte.

Les républicains ont contesté cette procédure. Le cas ne semble pas définitivement réglé juridiquement mais les services électoraux de l’état ont néanmoins choisi, le 3 novembre approchant, de contacter plusieurs milliers d’électeurs dont les votes par correspondance avaient été mis de côté.

Enfin, le sujet peut-être le plus controversé tient à la prise en compte de bulletins de vote par correspondance transmis avant le 3 novembre mais réceptionnés après.

D’un côté, on considère par principe que le vote est possible jusqu’au 3 novembre compris et qu’il ne faut pas pénaliser les électeurs qui reçoivent très tardivement les bulletins de vote par correspondance (en raison par exemple d’un manque de préparation des autorités face à l’afflux de demande, dans les états où il est nécessaire de se signaler pour pouvoir recourir à cette modalité) ou ont difficilement accès aux lieux homologués pour les déposer (un contentieux est en cours s’agissant des populations indiennes – « native americans » – parfois très éloignées des centres urbains).

De l’autre, on estime que le 3 novembre est bien une date limite (et que la nécessité de pouvoir annoncer un résultat rapidement prime) et qu’il appartient aux électeurs de faire en sorte que leur bulletin de vote parvienne aux autorités à temps.

Et c’est cette interprétation qui a prévalu dans un contentieux sur les règles en vigueur dans le Michigan. Les autorités organisatrices du scrutin ont dès lors invité les électeurs à envoyer leur bulletin avant le 20 octobre pour garantir un acheminement avant le 3 novembre.

Dans d’autres cas, les juges ont validé la possibilité de prendre en compte les bulletins arrivés quelques jours après le 3 novembre dès lors qu’ils ont été postés avant.

Au final, au gré des contentieux, ou des accords locaux dans le meilleur des cas, il y a autant de règles en la matière, ou presque, que d’états, entre ceux qui fixent une date limite pour poster son bulletin, ceux qui édictent une date limite de réception, etc.

Ces règles changeantes et différentes selon les états sur toutes les modalités de vote (cela concerne aussi les dates limites d’inscription sur les listes électorales qui varient selon les états, ont été décalées au dernier moment par endroit suite à des problèmes techniques, etc.) sont évidemment source d’erreurs et constituent un motif d’abstention face à la lourdeur administrative que peut représenter le fait de voter.

Face à ce qu’ils considèrent à juste titre comme une tentative pernicieuse de « disenfranchisement » qui touche d’abord les populations les moins éduquées, les moins habituées aux procédures, qui n’ont pas de logement stable ou d’accès à des outils informatiques, etc., les organisations de défense des droits civiques, des associations de jeunesse mais aussi les mouvements proches du parti démocrate multiplient les informations à destination du grand public pour clarifier les règles et informer en temps réel les électeurs, comme dans ce clip mobilisant des stars américaines pour expliquer la notion de « naked ballot » (« bulletin nu ») en vigueur en Pennsylvanie (pour respecter le secret du vote, chaque bulletin de vote par correspondance doit être glissé dans une enveloppe fermée dite « secrecy envelope », elle-même transmise dans une enveloppe spécifiquement dédiée – à défaut, le bulletin n’est rejeté).

Dans le même temps, les démocrates ont fait évoluer leur message tout au long de la campagne : après avoir largement plaidé au printemps pour une généralisation du vote par correspondance au motif de protéger les électeurs de la pandémie, ils ont pris conscience du risque qu’il y avait à voir leur électorat utiliser massivement cette modalité.

Les risques de voir un vote par correspondance ne pas « compter » sont en effet plus importants que pour un vote physique : le bulletin peut se perdre ou arriver trop tard, il peut être rejeté en raison d’un problème de signature et de non respect des règles en la matière, etc.

Dès lors, le discours a été nuancé et désormais, les recommandations sont les suivantes : si vous voulez éviter de vous rendre dans les bureaux de vote le 3 novembre, utilisez le « early voting » (en place dans quasiment tous les états) si vous pouvez, si vous utilisez le vote par correspondance, faites le immédiatement pour être sûrs que votre bulletin arrive à temps, ou déposez votre bulletin dans une « ballot drop box ».

Et c’est ainsi que les démocrates encouragent désormais davantage le vote anticipé physique sous ces différentes formes plutôt que le seul vote par correspondance.

Jeter le trouble et miner la confiance dans le processus électoral pour limiter la participation (des démocrates)

Mais ce revirement a été prudent et progressif, car les démocrates ne voulaient pas non plus donner l’impression qu’ils craignaient que le scrutin (et en particulier le vote par correspondance) risquait d’être manipulé. D’une part pour ne pas donner raison au Président, mais aussi par principe et pour éviter de miner la confiance des électeurs dans l’ensemble du processus, ce qui aurait pu aussi renforcer l’abstention .

Car les interférences en provenance du camp Trump ne sont pas que légales et matérielles, elles sont aussi psychologiques. Les vociférations du Président, qui relaye lui-même les « preuves » de fraude qui circulent en permanence au sein de la « Trumposphère » conspirationniste et qui sont le plus souvent fabriquées de toute pièce ou sorties de leur contexte, ou les mises en doute – non justifiées – par le ministre de la Justice lui-même de certaines procédures électorales, ont un objectif clair : instiller le doute au sein de l’électorat sur la sincérité du scrutin.

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer en cas défaite un complot démocrate, mais aussi, à court terme, de démotiver une partie de l’électorat.

En semant le doute sur le processus électoral, alors que la population américaine s’abstient déjà largement et n’a pas beaucoup d’illusions ni sur l’honnêteté de sa classe politique, ni sur la capacité de celle-ci à agir pour l’intérêt général, Donald Trump et ses alliés misent manifestement sur une faible participation du côté des électeurs peu politisés, dont ils pourraient bénéficier si dans le même temps ils parviennent à mobiliser au maximum la base électorale du Président. Ce qui renvoie toujours à l’argument du camp Trump, déjà largement évoqué dans de précédentes chroniques, selon lequel il peut bénéficier d’un « écart d’enthousiasme ».

Le Président s’en cache d’ailleurs à peine : lui qui ne cesse de miner la confiance des américains dans le processus électoral et dans le vote par correspondance, n’hésite pas à tweeter des appels à ses électeurs pour les inciter à voter… par correspondance (son équipe de campagne a aussi dépensé beaucoup d’argent pour inciter les électeurs à demander des bulletins de vote par correspondance).

Donald Trump et les républicains ont recours aussi à une autre grande tradition de la vie politique américaine, malheureusement encore bien présente : l’intimidation.

Car pendant longtemps, si les afro-américains avaient formellement le droit de vote, il était tellement dangereux pour eux, dans certaines régions du Sud, de s’inscrire sur les listes électorales ou de se rendre dans les urnes, qu’ils ne participaient pas aux élections. Au point que jusque dans les années 40, moins de 3% des afro-américains en âge de voter étaient inscrits sur les listes électorales.

Evidemment, les manœuvres d’intimidation sont explicitement illégales depuis une loi de 1940, renforcée après le mouvement pour les droits civiques dans les années 50 et 60, par le Voting Rights Act de 1965. On notera d’ailleurs, que dans la mesure où, pendant la période ségrégationniste, les intimidations étaient bien souvent l’œuvre des autorités elles-mêmes ou des forces de l’ordre, les possibilités d’interaction entre ces dernières et les électeurs sont également très strictement encadrées.

Mais l’intimidation peut prendre de nombreuses formes. On a vu ainsi se multiplier sur les réseaux sociaux les théories conspirationnistes relatives au vote par correspondance, avec par exemple une campagne téléphonique dans des quartiers afro-américains de Detroit expliquant que le vote n’était plus secret dans ces circonstances, ou qu’en donnant son adresse pour recevoir un vote, un électeur serait le moment venu traqué pour se voir administrer un vaccin contre le coronavirus.

Moins grossier, mais pas moins explicitement destiné à « intimider », au prétexte de s’assurer qu’il n’y avait pas de fraudes, Donald Trump a appelé, lors du débat du 29 septembre, puis régulièrement dans ses meetings ou évidemment sur Twitter, ses supporters à participer à des brigades de volontaires chargés de surveiller les bureaux de vote ou les « ballot drop box ».

Il faut aussi dire qu’en 2018 ont été levées les dispositions interdisant aux militants du parti républicain d’être présents dans les bureaux de vote. Elles avaient été introduites dans les années 80 suite à une décision de justice, considérant que leur présence relever d’un harcèlement systématique et de l’intimidation des électeurs, en violation explicite du Voting Rights Act de 1965.

Libéré de cette contrainte, le parti a organisé ce qu’il appelle une « armée », la « Trump’s Army », dont la mission est claire, selon certains de ses membres : « se battre pour le Président » et « faire élire Trump ».

Les manœuvres d’intimidation menées par les « observateurs » n’en restent évidemment pas moins interdites. Les états établissent néanmoins chacun leurs règles relatives à ces observateurs, appelés couramment les « poll watchers » avec des restrictions quant à la présence dans les bureaux de vote (distance par rapport aux électeurs, etc.), des obligations de déclaration préalable des personnes mandatées par un parti pour être « poll watcher », l’obligation d’une désignation conjointe par les différents candidats, etc.

Reste que le Président lui-même s’est insurgé de voir ses militants expulsés des locaux officiels de services électoraux de Philadelphie, en Pennsylvanie, le 29 septembre, alors qu’ils n’avaient rien à y faire, selon les lois en vigueur dans cet état. Mais on voit bien que, dans une logique conspirationniste relayée par Trump, son entourage et les médias d’ultra-droite, ils n’ont pas été expulsés parce que leur présence était illégale, mais parce qu’il y aurait quelque chose à cacher… et tout cela ne fait que renforcer le doute dans l’esprit de certains.

On a également vu un groupe de supporters du Président se présenter mi-septembre aux abords d’un bureau de vote en Virginie et susciter une certaine inquiétude chez les électeurs.

Et le gouvernement de l’état du Michigan a de son côté dû édicter le 16 octobre une interdiction du port d’armes dans un rayon de 100 mètres autour des bureaux de vote.

On garde aussi en mémoire, lors des élections contestées en Floride en 2000, le fait qu’un groupe de supporters républicains (qui ne venaient pas tous de Floride), monté par Roger Stone, depuis devenu célèbre pour ses magouilles pendant la campagne Trump de 2016 (il a été condamné, puis gracié par le Président), avait physiquement empêché le nouveau décompte demandé par Al Gore dans certains bureaux de vote.

Face à cela, le camp démocrate ne ménage pas ses efforts pour convaincre les électeurs d’aller voter. On l’avait vu notamment avec les discours de Barack et Michelle Obama (qui invitait les électeurs à préparer des chaussures confortables et un panier de pique-nique pour la file d’attente) lors de la convention démocrate, ou avec la mobilisation des vedettes de la NBA et notamment de LeBron James et son organisation More Than A Vote, puis récemment de la NFL, la ligue de football américain.

On l’a encore constaté avec des campagnes menées tous azimuts et destinées à des publics jeunes et plus ou moins faciles à atteindre par des campagnes classiques. On pense à l’utilisation par Alexandria Ocasio Cortez de Twitch pour toucher des centaines de milliers de « gamers » et passer quelques message sur le vote (et sur l’assurance santé), ou à ce clip « spécial jeune » de la campagne Biden. Ou enfin au clip original de la campagne « get you booty to the poll » .

Au-delà des vociférations du Président, les modalités de vote sont discutables et fragiles

Cela étant, si le Président est, comme souvent, totalement excessif dans ses allégations de fraude, il convient de préciser, que vu d’un œil français, les modalités de vote paraissent à la fois fragiles, dans avec un mélange de désuétude, de confiance excessive dans la technologie et d’absences de garde-fous.

Le simple fait que les règles soient fixées au niveau des états, s’il s’explique par le choix originel d’un régime fédéraliste, pose question. Comment expliquer à un électeur qu’il ne peut pas voter en Floride mais qu’il pourrait voter dans un autre état qui n’exclut pas les anciens condamnés ? Comment s’assurer que certains électeurs ne votent pas deux fois dans deux états voisins (sans même parler du fait que dès lors qu’il est possible dans certains états de s’inscrire sur les listes électorales le jour même du scrutin, on peut imaginer qu’il serait possible de voter deux fois dans le même état) ?

Dès lors qu’il n’est pas obligatoire dans certains états d’avoir une pièce d’identité pour voter, comment s’assurer qu’il n’y a pas de fraudes ?

Le Président n’a t-il pas quelques raisons légitimes de dénoncer le « ballot harvesting » (la « récolte des bulletins »), qui consiste à aller récupérer massivement chez les électeurs (ou à utiliser à cette fin les « ballot drop boxes ») les bulletins de votes par correspondance – ou des procurations, pour les états qui les autorisent sans limitations ?

Les experts électoraux savent qu’il n’est pas rare de voir des candidats monter des équipes de bénévoles qui font du porte-à-porte pour inciter les gens à voter et qui récupèrent ainsi des dizaines de bulletins de vote. Mais cette pratique est légale dans de nombreux états et ne constitue donc pas une fraude.

De même, le fait d’envoyer à tous les électeurs inscrits un bulletin de vote par correspondance (et non pas seulement à ceux qui le demandent), qu’on appelle « universal mail-in ballot », n’augmente-t-il pas le risque de fraude et de « ballot harvesting » ? C’est d’ailleurs en réalité cette pratique, que dénonce le plus clairement, Donald Trump, quand il se donne la peine d’expliquer ses préoccupations de façon un peu détaillée.

On notera cependant que si le « universal mail-in ballot » concerne comme le rapporte Trump, 80 millions d’électeurs, un seul état potentiellement disputé, le Nevada, a recours à ce procédé et que tous les autres états décisifs pour l’élection exigent que les électeurs fasse une démarche spécifique pour recourir à cette modalité.

Les machines électroniques, dont le choix est laissé à la main des exécutifs locaux (au Texas, chaque comté est libre de choisir s’il a recours à des machines de vote et de choisir la machine en question) sont-elles suffisamment protégées contre les « hackers » ? Quid des incidents techniques comme lorsque le lors de la primaire en Géorgie lorsque les machines, utilisées pour la première fois, se sont révélées défectueuses ?

De manière plus générale, comment la confidentialité du vote est-elle garantie par les machines électroniques et pour le vote correspondance, quand la « secrecy envelope », décriée pour sa complexité, n’est pas présente partout ?

Le recours à des recrutements ponctuels pour la supervision et le dépouillement est-il suffisamment bien organisé, ces personnels auxquels on confie la mission de vérifier la similitude de signatures, ou de s’assurer qu’une case a été cochée sans ambiguïté, sont-ils suffisamment bien formés ?

L’ensemble du système logistique, très hétérogène, est-il protégé des ingérences étrangères ?

Le Président, avec le toupet qu’on lui connaît, paraît bien cynique lorsque lui-même insiste sur les risques d’ingérence étrangère dans le processus électoral, tant il est manifeste qu’il a eu, a minima, la tentation d’avoir lui-même recours à cet appui en 2016 (plusieurs de ses proches ont été condamnées pour avoir menti sur leurs relations avec la Russie pendant la campagne de 2016) et en 2020 (cf. sa tentative de manipulation de l’Ukraine déjà évoquée précédemment).

Et quand le directeur des services de renseignements John Ratcliffe a tenu le 21 octobre une conférence de presse annonçant l’existence de preuve de tentatives d’intrusion dans les registres électoraux de la part de la Russie et de l’Iran, dans le but, pour le citer, de « nuire au Président Trump », les experts ont accueilli cela avec circonspection, y voyant soit une manière de jeter à nouveau le trouble sur l’élection, soit une tentative de contre-attaque puisqu’on soupçonne la campagne d’attaque sur le fils de Joe Biden menée actuellement par le Président et l’ultra-droite de reposer sur des documents fabriqués par la Russie.

Pour autant, les craintes relatives à des ingérences étrangères dans le processus électoral, notamment via des opérations massives de désinformation sur les réseaux sociaux sont légitimes et troublent à juste titre les électeurs, même si elles n’ont jamais jusqu’à présent perturbé le bon déroulement logistique de l’élection, comme l’a rappelé le directeur du FBI Christopher Wray lors de la conférence de presse sur les ingérences russes et iraniennes, en indiquant clairement que cela ne remettait pas en cause l’intégrité des élections.

A l’occasion des discussions sur l’adaptation des modalités de vote à la pandémie, les démocrates (et notamment la majorité démocrate à la Chambre des représentants) avaient relancé l’idée d’un encadrement plus strict des règles par le niveau fédéral et même suggéré que les modalités de vote soient enfin fixées au niveau fédéral, pour garantir à la fois plus d’équité et plus de sécurité dans le processus.

Mais le leader de la majorité républicaine au Sénat, le tristement célèbre (et trop souvent évoqué dans ces chroniques…) Mitch Mc Connell avait rejeté cette idée en rappelant que la volonté des pères fondateurs de faire des Etats-Unis une fédération laissant à chaque état le soin de déterminer les modalités selon lesquelles il organisait sa représentation au niveau fédéral.

Ainsi, si de nombreux américains sont attachés au fédéralisme, toutes les questions évoquées ci-dessus (auxquelles on pourrait ajouter, dans un autre registre, le système du collège électoral ou la composition du Sénat qui fait que la Californie et ses 40 millions d’habitants disposent de 2 sénateurs, comme le Wyoming et ses 600 000 habitants) contribuent sans aucun doute à entretenir le doute dans l’esprit des électeurs sur la sincérité du scrutin et l’utilité du vote.

Dans ce contexte, la propagande du Président sur la fraude électorale a porté ses fruits : selon le Pew Research Center, la moitié des américains considéraient début septembre, malgré l’absence d’évidence, que le vote par correspondance pose des problèmes de fraude. Les personnes interrogées se déclarant proches des républicains étaient plus nombreux à avoir cette opinion et, sans surprise, ceux qui ne s’informent que via Fox News et les talk show des radios d’ultra-droite ou qui prennent leurs informations sur le sujet via le dispositif de campagne de Trump étaient les plus nombreux à le penser.

Plus généralement, FiveThirtyEight, un des sites de référence en matière d’analyse et de synthèse des sondages politique, indique que la moitié environ des américains, et les républicains davantage que les autres n’ont pas confiance dans le processus électoral.

Et même si dans une enquête de début septembre de MonMouth University, on constate que c’est surtout Trump qui est susceptible de tricher pour essayer de gagner (52% des américains l’en jugent plutôt ou franchement capable, contre 39% qui pensent que Joe Biden pourrait le faire), le mal est fait et le Président a sans doute rempli son objectif.

Des résultats fiables pourraient bien ne pas être disponibles le soir du 3 novembre dans plusieurs états clé

Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants qu’il est probable que les résultats de la soirée électorale ne soient que des résultats provisoires potentiellement éloignés du résultat final.

Aux Etats-Unis comme ailleurs, les résultats définitifs de l’élection ne sont jamais connus immédiatement. Il y a régulièrement, et encore récemment, de nombreux exemples de scrutins dont le résultat définitif a évolué pendant quelques jours, suscitant parfois des contentieux. On pense évidemment à l’élection présidentielle de 2000 où le scrutin très serré en Floride avait entraîné un nouveau décompte des voix, à l’élection pour le poste de gouverneur en Géorgie en 2018, etc.

Mais les contraintes pratiques et les problèmes logistiques sont accentués cette année par la pandémie. Il est par exemple tout à fait possible que certains files d’attente se prolongent tard dans la nuit si le nombre de bureaux de vote s’avère insuffisant.

Certains états ont aussi prouvé lors des primaires tenues au printemps qu’ils étaient particulièrement mal préparés, ne serait-ce qu’en raison d’une évolution significative des modalités pratiques du scrutin. On pense notamment aux primaires chaotiques en Pennsylvanie, dans le Wisconsin ou en Géorgie, qui sont trois états où le scrutin présidentiel (et sénatorial, pour la Géorgie) est annoncé comme très serré.

Enfin, il est acquis que certains états auront des difficultés à décompter rapidement les votes par correspondance. En effet, certains états doivent faire face à deux contraintes importantes : la première, on l’a dit, tient au fait que certains états acceptent de prendre en compte les bulletins postés avant le 3 novembre et arrivés après le 3 novembre (et jusqu’à 15 jours après dans certains états).

La deuxième tient au fait que plusieurs états, pour éviter les risques de fuite et d’influence des électeurs se prononçant le 3 novembre, interdisent le traitement des bulletins de vote par correspondance avant le jour même de l’élection – d’autres prévoient de commencer le dépouillement avant le 3 novembre pour disposer d’un résultat consolidé le plus rapidement possible.

Enfin, en Caroline du Nord où les autorités estiment que 25% des électeurs choisiront le vote par correspondance, les républicains ont lancé un contentieux pour obtenir le droit d’avoir des observateurs présents dans tous les bureaux où se dérouleront les opérations de vérification des votes par correspondance, afin de vérifier par eux-mêmes la qualité de cette procédure, ce qui pourrait rallonger énormément le travail de dépouillement.

Les questions relatives au décompte des votes par correspondance ne sont pas nouvelles, mais dès lors qu’il est désormais certain que cette modalité va représenter une part très significative du vote, la part des votes dont le résultat ne pourra pas être divulgué immédiatement pourrait être significativement supérieure à celle des années précédentes, ce qui pose problème en cas de scrutin serré.

Ce phénomène est amplifié par le fait que les électeurs des deux camps ne vont manifestement pas du tout se répartir de la même façon entre le vote par correspondance et le vote physique le 3 novembre. Les sondages le pressentaient et les premières analyses des votes par correspondance et du vote anticipé le confirment.

Il est en effet possible de consulter les registres électoraux pour voir quels électeurs ont voté par correspondance et comme certains états donnent la possibilité aux électeurs de déclarer leur affiliation partisane dans leur inscription électorale (il faut, pour pouvoir participer à certaines primaires, être affilié au parti concerné)4On voit d’ailleurs à cette occasion combien la notion de préservation du secret des opinions politiques est différente aux Etats-Unis, même si de plus en plus les nouveaux inscrits se déclarent “sans affiliation partisane”., on peut déterminer quel électorat a choisi cette modalité dans ces états, comme le fait le site de référence en la matière, US election project.

Même si ces éléments indiquent un recours sans précédent aux modalités de vote anticipé et au vote par correspondance, il est encore à ce stade difficile de prévoir la répartition définitive entre les différentes modalités et d’en tirer des conclusions définitives.

Les très longues files constatées récemment ou le nombre important de votes par correspondance transmis aussi tôt sont-ils le reflet d’une participation très forte (que tous les experts anticipent) ? Ou du fait que de nombreux électeurs ont déjà fait leur choix (ce qu’indiquent les sondages qui identifient à la fois un faible nombre d’indécis et beaucoup de certitudes chez les électeurs ayant déjà fait leur choix) ? Ou encore d’une prise en compte du risque de voir le résultat contesté si trop de bulletins sont dépouillés tardivement ? Ou, enfin, d’une préoccupation forte vis-à-vis du virus ? Selon la part de ces différents phénomènes dans le comportement des électeurs, le biais présenté par les premiers résultats divulgués sera évidemment très variable.

Toujours est-il que les premiers résultats diffusés par certains états, risquent de ne pas refléter le résultat final, dès lors qu’ils refléteront surtout le vote physique du 3 novembre et que la plupart des observateurs anticipent, sans pouvoir en mesurer l’ampleur, un biais en faveur des républicains et du Président Trump, dénommé le « red mirage » (le « mirage rouge », en référence à la couleur du parti républicain).

Or, certains états clés de l’élection se trouvent dans justement dans les configurations les plus susceptibles de créer ce biais (dépouillement du vote par correspondance le jour du vote et/ou prise en compte post-3 novembre des bulletins). C’est le cas notamment de la Pennsylvanie, du Michigan et du Wisconsin, qui sont justement les trois états gagnés par surprise en 2016 par Donald Trump et qui semblent, si on se fie aux enquêtes d’opinion, prêts à rebasculer dans le camp démocrate, ce qui suffirait sans doute à assurer la victoire finale de Joe Biden.

Si le scrutin est serré, il est tout à fait possible que Donald Trump soit en tête dans les premiers résultats (on peut ajouter comme facteur de ce phénomène le dépouillement souvent plus rapide des dans les zones rurales, plutôt pro-Trump, que des zones urbaines plutôt acquises aux démocrates), avant de voir les écarts se resserrer voir basculer en faveur de Joe Biden, et il apparaît en tout cas clairement que Donald Trump est persuadé de pouvoir compter sur le « red mirage ».

On notera cependant qu’en Floride, les votes par correspondance étant dépouillé au fur et à mesure, les premiers résultats diffusés représenteront surtout le vote par correspondance et pourraient dès lors être en faveur de Joe Biden, peut-être tout aussi artificiellement que dans le cas du « red mirage » des états des Grands Lacs.

Au-delà de placer Joe Biden en bonne position dans un état clé de l’élection, ces résultats en Floride pourraient aussi donner une bonne indication, dans certains comtés où la moyenne d’âge est très élevée et donc le recours au vote par correspondance probablement massif, sur le vote des seniors, considéré comme décisif puisque Joe Biden semble nettement en tête dans cet électorat que Donald Trump avait nettement remporté en 2016. Les experts considèrent donc qu’ils ne seront pas démunis pour interpréter les premiers résultats et nuancer les tendances que ces résultats pourraient faussement indiquer.

Par ailleurs, à tout miser sur un vote physique le 3 novembre, le Président sortant prend le risque, si la vague de nouveaux cas de coronavirus qui atteint de nombreux états et notamment ces fameux états des Grands Lacs (Michigan, Wisconsin notamment) se confirme, de voir un certain nombre d’électeurs (qui seraient donc plutôt ceux de Trump, dans son calcul) hésiter au dernier moment à se rendre dans les urnes. De même, en agitant la menace de contester les votes par correspondance arrivés tardivement, ils poussent les électeurs à voter tôt, réduisant ses chances de bénéficier d’un éventuel sursaut de dernière minute qu’il continue à chercher désespérément.

Mais on se demande surtout de plus en plus si Donald Trump espère encore gagner dans les urnes à la régulière en obtenant tout simplement plus de voix que son adversaire dans suffisamment d’états pour gagner le collège électoral.

« Le 3 novembre, vous regarderez la télévision et vous verrez qui a gagné l’élection. »

Donald Trump, lors du débat présidentiel du 29 septembre

Et comme lui-même a clairement indiqué à plusieurs reprises que le résultat devait être connu lors de la soirée électorale , on se demande dans quelle mesure il pourrait essayer si les premiers résultats le lui permettaient, de se déclarer vainqueur rapidement le 3 novembre au soir.

Il lui resterait alors à contester la validité des résultats définitifs, au motif que le vote par correspondance est frauduleux. Et c’est bien là le scénario de crise politique et institutionnelle que semblent redouter de nombreux observateurs.

Un risque important de tensions sociales en cas d’incertitude persistante sur le résultat final

Même si les sondages continuent à être très favorables à Joe Biden, les démocrates ont, à juste titre, choisi d’envisager le pire et de ne pas miser sur un résultat tellement net en faveur de leur candidat que l’issue du scrutin ne fera pas de doute, et que Donald Trump n’aura même pas la possibilité de se déclarer vainqueur.

C’est pourtant un scénario envisageable : certains états, comme la Floride, l’Ohio, la Caroline du Nord ou l’Arizona, décomptent dès maintenant par les bulletins de vote par correspondance ou ayant fait l’objet d’un vote anticipé et annonceront des résultats consolidés fiables dans la soirée du 3 novembre.

Or, si Joe Biden en remporte une partie d’entre eux, il est peu concevable qu’il soit battu : on le voit mal gagner l’Ohio et perdre le Michigan et le Wisconsin, dont la population présente les mêmes caractéristiques, en plus favorables pour les démocrates. De même, si Biden gagne la Floride ou l’Arizona, Trump devra rafler les 3 états des Grands Lacs pour l’emporter sans perdre d’autres états5On consacrera une chronique avant l’élection aux différents scénarios relatifs au collège électoral..

Reste qu’il faut envisager le pire et c’est pour cela que le camp démocrate, souvent avec l’aide des autorités chargées de l’organisation du scrutin, ont déployé d’importants efforts de pédagogie pour expliquer qu’il était très probable que le résultat définitif ne soit pas connu. On a ainsi vu la gouverneur du Michigan et sa « secretary of state », chargé des élections, expliquait qu’en 2020, on n’aurait pas « election night » mais « election week » pour indiquer que les résultats pourraient bien mettre une semaine à être consolidés.

Ces opérations ont été relativement efficaces puisque les enquêtes d’opinion montrent que la moitié environ des américains ont conscience que les résultats définitifs ne seront peut-être pas connus dans la soirée du 3 novembre ou même dans les 48 heures.

Reste que la réaction du grand public, le moment venu, à une éventuelle incertitude, est imprévisible et constitue une forte source d’inquiétude. En effet, les tensions politiques et sociales, déjà importantes pour toutes les élections récentes, sont exacerbées cette année par la présence de Donald Trump dans l’arène et par les manifestations du mouvement « Black Lives Matter » qui ont déjà donné lieu à des affrontements violents (avec plusieurs morts à la clé) entre militants de la justice raciale et suprémacistes blancs ou militants pro-Trump.

Même si le Président se montrait « raisonnable » et si aucun résultat n’était annoncé pendant plusieurs jours, les tensions pourraient être importantes tant Trump lui-même a semé les graines du doute au sein de ses supporters, qui n’en avaient pas besoin, tant les théories complotistes sur la volonté des « libéraux », de l’ « extrême-gauche » de « voler le pouvoir » ou même de réaliser un coup d’état (comme dans cette vidéo de l’animateur conspirationniste d’un talk show d’ultra-droite Dan Bongino ou dans un article de la publication d’ultra-droite The Federalist) circulent allégrement dans la « Trumposphère ».

Sans parler des appels réguliers lancés par le Président à ses supporters de tout faire pour éviter une prise de pouvoir des démocrates, appels que certains pourraient bien prendre au mot.

Il n’y a qu’à voir les mouvements d’ultra-droite qui l’ont pris au mot ou presque, après ses critiques envers les gouverneurs du Michigan et de Virginia, exprimées au travers de tweets « Liberate Michigan » ou « Liberate Virginia », puisque des membres d’un groupe armé qui fomentaiet des enlèvements de ces deux gouverneurs ont été arrêtés ces dernières semaines.

On aurait cependant tort de limiter le risque de troubles aux mouvements d’ultra-droites et aux fanatiques du Président. Car du côté des mouvements progressistes, l’exaspération à l’égard du Président et ses supporters est telle qu’on ne peut exclure non plus des réactions épidermiques en cas de contestation des résultats (sans même parler de l’hypothèse où Trump se déclarerait vainqueur).

Les enquêtes d’opinion, notamment une enquête réalisé début octobre par le Pew Research Center, montrent que les électeurs ont, comme le leur demandait d’ailleurs les deux candidats, pris à cœur ces élections et qu’ils seraient, dans les deux camps, mais encore plus du côté des électeurs de Biden, « en colère » si leur candidat perdait. Et on constate que, des deux côtés, la part des électeurs qui seraient « en colère » a nettement augmenté par rapport au scrutin de 2016.

On peut donc craindre, encore plus en cas de période de flottement ou si les résultats sont serrés, des réactions épidermiques et violentes. Des enquêtes d’opinion, comme celle réalisée par Politico, montrent de façon inquiétante qu’un tiers des américains juge que le recours à la violence serait au moins « un peu » justifié en cas de victoire de l’autre camp. C’est ainsi que certains observateurs s’attendent à voir, dans les jours qui suivront l’élection, beaucoup de tensions – et de gens armés – dans les rues des Etats-Unis.

Le rôle joué par les médias – et pas seulement par les réseaux sociaux, dont il ne faut rien attendre en l’occurrence, si ce n’est d’exacerber les tensions et de relayer les théories complotistes, des deux côtés – sera très important.

On s’interroge notamment sur l’attitude du groupe Fox, et notamment de Fox News6L’auteur avoue être un peu obsédé par cette chaîne – un sevrage post-électoral est probablement indispensable., qui mène une campagne violente et décomplexée pour le Président : cette chaîne emboîtera-t-elle le pas du Président (elle pourrait d’ailleurs aussi susciter la déclaration de victoire du Président en embellissant les premiers résultats) ou choisira-t-elle, comme les autres grandes chaînes, de se montrer patiente et pédagogue ?

Pour ne pas déclencher inutilement la panique et jouant comme toujours le registre de l’apaisement, Joe Biden s’est non seulement (et évidemment) déclaré prêt à se conformer aux résultats, mais a aussi souhaité, pendant le débat du 29 septembre, montrer sa confiance dans la solidité des institutions américaines.

« Si je gagne, cela sera accepté. Si je perds, cela sera accepté. Même si [Trump] dit qu’il n’est pas certain de reconnaître le résultat, laissez-moi vous dire quelque chose : cela ne change rien. Parce que si j’obtiens les votes nécessaire, ce sera terminé. Il partira. Il ne restera pas au pouvoir. Cela ne peut pas arriver. »

Joe Biden, lors du débat du 29 septembre

On reconnaît son côté légitimiste et sa foi dans les institutions, mais certains observateurs sont beaucoup plus inquiets et bien moins rassurés sur ce qui pourrait se passer.

Et si Donald Trump refusait de reconnaître les résultats sortis des urnes ?

On l’a dit, il est tout à fait envisageable que Donald Trump se déclare vainqueur le soir de l’élection, puis refuse de reconnaître les résultats définitifs s’ils lui sont défavorables, arguant de fraudes ou de complots à base de manipulation des votes par correspondance, le soupçon étant d’autant plus « vendable » à ces soutiens (et au grand public) qu’il a déjà longuement dénoncé ce risque et que ce seraient des bulletins dépouillés tardivement qui donneraient la victoire à son adversaire.

On peine à envisager un « coup d’état » en tant que tel de la part du Président, qui refuserait de quitter le pouvoir, même s’il est probable qu’il pourrait trouver des mouvements armés prêts à la suivre dans cette voie. On pense évidemment aux suprémacistes blancs, tels les « Proud Boys » : le Président, sommé des les condamner lors du débat du 29 septembre, les avaient à appelé à se calmer mais à « se tenir prêt », déclenchant une vague de protestations et des réactions enthousiastes des « proud boys » en question.

Mais c’est une hypothèse peu crédible pour plusieurs raisons de nature différente. La première est pratique : la hiérarchie militaire ne le suivrait pas (elle a déjà expliqué qu’elle resterait à l’écart en cas de contestation des résultats, après que Trump a évoqué l’idée de recourir à l’armée pour ramener l’ordre dans les rues en cas de troubles post-électoraux) et Trump sait que, même au prix d’affrontements, il ne tiendrait sans doute pas longtemps.

La seconde est psychologique : l’objectif de Trump est de « gagner » (ou de dire qu’il a gagné) et il ne se satisfera pas de « voler » l’élection juste pour rester au pouvoir. Par ailleurs, Trump est un fanfaron mais c’est aussi, en réalité, un pétochard qui répugne à affronter l’adversité autrement que par des tweets et des insultes.

Enfin, et c’est sans doute la meilleure raison, Trump sait qu’il peut utiliser des leviers juridiques pour se faire déclarer vainqueur. En effet, 43 états prévoient la possibilité de recompter, à la demande d’un candidat, les bulletins, parfois en introduisant un critère relatif à l’écart entre les candidats. Mais il peut surtout contester en justice la validité de certains bulletins de vote.

Depuis plusieurs semaines, à la suite notamment d’un article détaillé de The Atlantic qui a fait beaucoup de bruits, les experts juridiques se plongent dans les textes en vigueur, dans la jurisprudence et dans l’histoire des élections présidentielles et dans la constitution pour préciser les scénarios possibles et les responsabilités des différents acteurs en cas d’élection contestée. Et on peut en tirer plusieurs grandes conclusions.

Premièrement, l’incertitude est entière s’agissant de l’issue de contentieux portant sur la validité de certains bulletins, voire même sur les règles des scrutins. Il suffit pour cela de voir combien les jugements prononcés sur les contentieux en cours sont variés et parfois contradictoires, selon la coloration idéologique des juges amenés à se prononcer.

L’élection de 2000 en est un autre exemple : la Cour Suprême avait tranché le contentieux en faveur de George W. Bush (suscitant l’acceptation par Al Gore de sa défaite) par la majorité la plus courte possible (5 voix contre 4).

Les jugements prononcés sur les contentieux en cours reflètent d’ailleurs souvent, selon l’analyse du New York Times, l’affiliation partisane du Président ayant nommé les juges concernés et, en l’espèce, l’impact notable des nombreuses nominations effectués par Donald Trump depuis le début de son mandat.

On voit là l’importance de la nomination, menée au pas de charge et qui a désormais toutes les chances d’aboutir avant l’élection, de la juge ultra-conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour Suprême. Celle-ci a plutôt par le passé montré des prédispositions pour ne pas remettre en cause les mesures de « disenfranchisement » ce qu’elle n’a pas récusé pendant son audition par le Sénat, pendant laquelle elle a également refusé de se prononcer sur la légalité de manœuvres d’intimidation et de commenter ce type de pratiques.

Le Président et ses soutiens ne s’en étaient pas cachés au moment de lancer en urgence une procédure de nomination destinée à combler la vacance avant les élections : il était important que la Cour Suprême soit au complet – et majoritairement conservatrice – pour trancher d’éventuels contentieux électoraux.

Deuxièmement, les gouverneurs et assemblées des états ont un pouvoir important, en matière de désignation des grands électeurs amenés à représenter l’état en question au collège électoral qui élit formellement le Président. La constitution est en effet vague sur les modalités de désignation des grands électeurs puisqu’elle précise que « Each state shall appoint, in such manner as the Legislature thereof may direct, a number of electors7Il s’agit des grands électeurs. […] ».

Si des dispositions législatives fédérales et dans chaque état ont plus tard précisé que cette désignation se fait sur la base d’une élection par les citoyens, il est en réalité théoriquement possible, bien que probablement contestable juridiquement, pour un état de « décider » que celui-ci n’a pas apporté de garanties suffisantes et de procéder à une simple désignation indépendante du choix exprimé par les électeurs. A en croire The Atlantic, c’est un scénario envisagé par l’entourage de Trump, si les contentieux sur la validité de certains bulletins de vote n’étaient pas suffisants pour lui donner la victoire dans les urnes.

Ce n’est pas pour rien que les résultats en Floride en 2000 avaient suscité une telle polémique, puisque le gouverneur Jeb Bush n’était autre que le frère du candidat républicain George W. Bush.

Peut-on avoir confiance dans les élus républicains qui tiennent les leviers exécutifs (gouverneur) et législatifs dans plusieurs états où le scrutin est annoncé serré, comme en Floride, dans l’Arizona, en Géorgie dans l’Ohio ou l’Iowa, ou qui sont majoritaires dans les deux assemblées de l’état en Caroline du Nord, dans le Michigan, le Wisconsin ou la Pennsylvanie, même si dans ces états le gouverneur démocrate aura son mot à dire ?

Les doutes sont permis quand on voit les batailles engagées pour instaurer des barrières au vote pendant les primaires dans le Wisconsin (sans succès au final, certes) ou quand on voit avec quel cynisme les élus républicains au Congrès ont choisi de soutenir à tout prix le Président Trump et d’ignorer tous ces manquements à la fonction présidentielle et ses entorses aux institutions, parce qu’il leur donnait une occasion de mettre en œuvre leur programme économique et leur agenda conservateur.

On pourrait même se retrouver, dans les états ou les institutions sont partagées entre démocrates et républicains (comme en 1876) avec deux délégations de grands électeurs qui se présenteraient pour la réunion du collège électoral prévue le 14 décembre 2020, ou, en cas de contentieux multiples, avec un état incapable de désigner ces grands électeurs avant le 14 décembre.

Et c’est là que le troisième enseignement qu’on peut tirer des débats actuels intervient : la constitution n’est, en réalité, guère précise et elle est même parfois contradictoire, quand il s’agit de trancher en dernier ressort, en cas de contestation prolongée sur la composition du collège électoral et d’incapacité de celui-ci à se prononcer. Quel est le rôle précis du Congrès et du Vice-Président (en l’occurrence Mike Pence, qui brigue la réélection et pourrait être amené à trancher son propre sort) ? Rien n’est très clair (le lecteur intéressé par les aspects juridiques détaillés pourra se référer à l’article de The Atlantic).

On en arrive alors au dernier enseignement des récents débats qui n’est pas le moins préoccupant : dans tous les précédents, c’est au final le renoncement volontaire d’un des candidats qui a dénoué la crise. Al Gore aurait par exemple pu poursuivre dans la voie juridique en 2000. Si le sens des responsabilités de Gore avait été loué, il avait aussi été très critiqué sur le coup dans le camp démocrate et quelques années plus tard, compte tenu des dommages causés par exemple par la politique étrangère de George W. Bush.

Et dans le cas présent, on voit mal Joe Biden céder sa place à Donald Trump pour « le bien de l’unité de la nation et pour la force de la démocratie américaine », pour reprendre les termes utilisés par Al Gore lorsqu’il avait accepté de reconnaître la victoire de George Bush, dans la mesure où il a, tout au long de la campagne, insisté sur la menace la démocratie et les institutions que représenterait un second mandat de Donald Trump.

De même, qui et quels arguments pourraient ramener Donald Trump à la raison s’il se lançait dans une bataille juridique ? A ce stade, certains ont bien une idée : échanger la reconnaissance de sa défaite contre une forme d’amnistie relative à ses agissements en tant que Président, voire même aux multiples poursuites en lien avec ses activités d’homme d’affaire dont il fait l’objet.

En attendant, pour se rassurer et pour finir cette chronique sur une note optimiste, on se raccrochera à deux scénarios au moins aussi crédibles que la crise institutionnelle redoutée par beaucoup. Le premier, c’est une victoire très nette de Joe Biden. Le deuxième, c’est un Donald Trump égal à lui même, pleurnichard et rejetant toute responsabilité, vexé mais pétochard et se contentant de claquer la porte. N’a-t-il pas dit récemment dit lui-même qu’on n’entendrait plus parler de lui s’il perdait ?

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