Trump en panne de slogan efficace ?

La capacité de Donald Trump à trouver des slogans de campagne, des gimmicks et des surnoms à ses adversaires n’est pas le moindre des atouts politiques du Président.

En 2016, il avait su capter dans plusieurs formules les attentes et l’exaspération d’une partie de l’électorat, avec son slogan phare « Make America Great Again » (slogan d’ailleurs repris de la campagne victorieuse de Ronald Reagan en 1980), dont l’acronyme MAGA est devenu un signe de ralliement de ses supporters, mais aussi en martelant – et en faisant reprendre par ses supporters lors des meetings – les mantras « Drain the swamp » (« asséchez le marigot »), pour stigmatiser les dysfonctionnements des élites politiques et de l’« establishment » de Washington, « Build the wall », pour symboliser sa volonté de limiter l’immigration, ou « America First » pour fustiger la mondialisation ou la politique internationale de ses prédécesseurs.

On pourrait d’ailleurs rajouter « Lock her up » (« enfermez-la ») qui permettait d’insinuer qu’Hillary Clinton (surnommée « Crooked Hillary », « Hillary la véreuse ») était corrompue et d’imprimer dans l’esprit de l’électorat que son adversaire avait quelque chose à se reprocher.

En pratique, les griefs avérés envers Mme Clinton étaient limités – avoir utilisé son mail personnel quand elle était Secretary of State en contravention avec les règles de sécurité informatique – mais le slogan parlait aux tenants des théories conspirationnistes sur Hillary Clinton (que ce soit sur sa prétendue responsabilité dans l’attentat contre le consulat américain à Bengazi en septembre 2012, sur le piratage du serveur du parti démocrate et une collusion avec l’Ukraine ou la Russie, ou le fameux « pizzagate »1Hillary Clinton était accusée de diriger un réseau pédophile basé dans le sous-sol d’une pizzeria de Washington DC.), sans avoir besoin d’endosser soi-même ces théories farfelues.

Ce climat de suspicion créé par cette campagne de dénigrement permanent de la candidate démocrate avait sans doute amplifié l’impact de l’annonce par le FBI, à quelques jours du scrutin de novembre 2016, de l’ouverture d’une enquête contre Hillary Clinton sur la question de l’usage de son mail personnel.

Début 2020, le slogan de Trump était tout trouvé : « Keep America Great ». Il correspondait à la stratégie électorale classique d’un Président sortant en situation de défendre un bilan plutôt satisfaisant sur le plan économique et de mettre en avant le respect de certaines promesses emblématiques de sa première campagne. En l’occurrence, la nomination de juges conservateurs dans tout l’appareil judiciaire, le retrait des Etats-Unis de la scène internationale en particulier multilatérale, les bras de fer engagés avec les partenaires commerciaux et notamment la Chine, le durcissement de la politique migratoire,…2L’auteur ne dit pas que c’est un « bon » bilan, ni que toutes les promesses de Trump ont été tenues, loin de là. Mais le Président avait un bilan correspondant aux attentes de son électorat et donc présentable.

Mais patatras, la pandémie de coronavirus est intervenue et le virus, qui n’est pas encore maîtrisé, aura probablement tué 200 000 morts d’ici le 3 novembre, date de l’élection3On se souviendra des déclarations de Trump fin mars sur le nombre de morts qui serait selon lui l’indicateur d’une bonne gestion.. La situation économique s’est considérablement dégradée et si un redressement est perceptible depuis le début de l’été, on est loin du rétablissement ultra-rapide promis par Trump au printemps et les incertitudes restent fortes quant à l’évolution de l’économie américaine à court et moyen terme.

Si Trump accuse la Chine de la pandémie et de ses conséquences, il n’en reste pas moins que le pays est actuellement confronté à de multiples crises puisqu’on peut rajouter les tensions sociales liées aux violences policières et au débat sur les inégalités raciales. Difficile dans ce contexte d’utiliser le slogan « Keep America Great »…

Le Président a bien été tenté de partir sur « Make America Great Again… Again ». Mais lorsqu’on a vu Mike Pence utiliser la formule lors de son discours de la convention républicaine fin août, il était clair que cela tombait un peu à plat. Surtout, cela revient à faire le pari, qui paraît sacrément risqué, même si les sondages montrent que les américains jugent Trump plus apte que son adversaire à redresser l’économie, qu’au moment de voter, les électeurs songeront d’abord aux trois premières années de mandat du Président, plutôt qu’aux six derniers mois.

Au mois de mai, le Président avait également essayé de miser sur le fait que les américains ont une appréciation positive de ses compétences en matière d’économie, pour lancer un nouveau slogan, « transition to greatness » (pour « en route vers la grandeur »).

Outre le fait que cela n’était pas très percutant, le redressement assez limité de l’économie et la persistance de la pandémie n’accréditaient pas vraiment le message. Surtout, en se limitant à marteler le slogan sans plus de précisions, et alors que les milieux économiques et politiques réclamaient un plan de bataille détaillé pour résoudre les crises en cours, ce slogan du Président avait été jugé très faible et raillé par Joe Biden.

A ce stade, le site officiel de la campagne Trump arbore un message assez plat « ensemble, nous reconstruisons notre nation » (et peut-être suffisamment ambigu pour embarquer les électeurs qui accordent une priorité à l’économie comme ceux qui se focalisent sur « valeurs américains » mises en péril par les manifestations Black Lives Matter). On doute que le Président accorde beaucoup d’importance à cette page internet, lui qui préfère Twitter, Facebook, les médias et la télévision pour faire se promotion, mais l’absence d’un slogan percutant « à la Trump » reste quand même frappante4Il est intéressant de noter ce message est tout à fait dans le même ton que les slogans mis en avant par le site officiel de Joe Biden à savoir « battle to for the soul of the nation » (qui correspond au message porté dès le début de la primaire démocrate par Biden sur la nécessité de « retrouver l’âme des Etats-Unis ») et « build back better » – qu’on pourrait traduire par « reconstruire, mais en mieux » – rajouté suite à la pandémie, qui s’inspire du vocabulaire utilisé par les tenants d’un Green New Deal et permet de faire un clin d’œil au camp progressiste, qui reprochait à Biden de simplement vouloir refermer la parenthèse Trump pour revenir aux années Obama..

Le Président et son équipe de campagne se sont rabattus pour l’instant sur des affiches « Promises kept » (« promesses tenues ») derrière le podium sur lequel le candidat prononce ses discours en meeting (ou le hashtag #promisesmadepromiseskept), car il paraît difficile pour un sortant de ne pas du tout faire campagne sur son bilan.

Trump et ses soutiens ont d’ailleurs montré, tout au long de la convention républicaine, leur capacité à embellir de façon éhontée le bilan du mandat, conscient de l’inefficacité des multiples exercices de « fact checking » mené par les journalistes, dérisoires pour contrer les moyens déployés dans la campagne digitale par exemple.

Cependant, on sent bien que le détail du bilan ne sera pas l’axe de campagne du Président pour les dernières semaines. La campagne n’a même pas pris la peine de produire un document de bilan un peu consolidé5Alors que les critiques du Président ne s’en sont pas privés..

Comme le résumaient ironiquement les anciens de l’équipe de communication de Barack Obama, quand on envisage de mener campagne sur un message tel que « Trump est un sale type, mais son bilan parle pour lui » (par exemple dans un spot de l’automne 2019), on est rapidement embêté si on est incapable de défendre deuxième partie du message et qu’on ne peut garder que la première ! Et comme la première partie du message est bien ancrée dans l’esprit du grand public (y compris du côté des électeurs de Trump et même de ses plus fervents supporters), une option était de ne changer que la deuxième partie du message.

Puisqu’il devenait compliqué de gagner un referendum sur Trump et son bilan, l’objectif de son équipe de campagne a alors basculé : faire de l’élection un choix entre deux personnes et deux programmes.

Mais le parti républicain a renoncé à diffuser une « plateforme électorale » (c’est-à-dire un programme qui a vocation à être porté par tous les candidats investis) et Trump lui-même peine aussi à proposer une vision claire de ce qu’il ferait de son deuxième mandat (au-delà du statu quo sociétal sous l’égide d’une Cour Suprême encore plus conservatrice). Rappelons qu’il a simplement diffusé, sans vraiment l’utiliser depuis, une liste succincte d’objectifs généraux, bien loin des plans thématiques et de la plate-forme détaillée du parti démocrate.

Début 2020, certains considéraient déjà que plutôt que « Keep America Great » (qui faisait courir le risque de voir une partie de l’électorat, lassé par le style de Trump, considérer qu’il avait fait ce qu’il avait à faire pour installer à long terme une Cour Suprême conservatrice, en matière de dérégulation, etc. et qu’on pouvait revenir à une présidence plus « normale »), Trump aurait dû choisir pour slogan quelque chose comme « Make America Even Greater » (« rendre l’Amérique encore plus grande ») pour donner envie à d’autres électeurs que ses supporters inconditionnels de prolonger l’aventure.

Il aurait cependant fallu pour cela que le Président ait une vision pour son deuxième mandat et soit prêt à reconnaître que son premier mandat n’avait pas été parfait, ce que son narcissisme rend impossible. Pas plus aujourd’hui que début 2020 Donald Trump n’est prêt à rentrer dans ce type de positionnement (en réalité, il considère sans doute qu’il faut voter pour lui parce qu’il est Donald Trump).

Faute d’être capable de vendre un programme attrayant pour son deuxième mandat – le slogan accompagnant la liste de propositions pour le deuxième, « Fighting for you » n’a manifestement pas prospérer dans la communication de la campagne Trump, le message ne pouvait de toute façon être que le suivant : élire Joe Biden serait une catastrophe. Restait à le caractériser et à en faire un slogan.

C’était l’idée directrice de la convention républicaine fin août, dont le principal message aura été « Trump ou le chaos ». Il s’agissait de capitaliser les tensions sociales très fortes, avec des manifestations toujours importantes contre les violences policières et les inégalités raciales, accompagnées de flambées de violence sporadiques mais fortement médiatisées, pour faire de l’insécurité un des principaux sujets de la campagne et regagner des voix chez les électeurs jusqu’alors focalisés sur la pandémie et ses conséquences.

Cela permettait dans le même élan d’agiter le spectre d’une arrivée au pouvoir d’une gauche progressiste qui mettrait en place un programme économique « socialiste », menacerait le port d’armes, les libertés religieuses, etc., tous thèmes de nature à consolider le vote Trump au sein de l’électorat conservateur traditionnel.

Mais plutôt que de partir sur un slogan « Moi ou le chaos » ou de creuser le filon de quelques phrases marquantes de la convention républicaine ( par exemple : « je suis le seul rempart entre le rêve américain et l’anarchie »), le Président s’en tient à ce stade à ce qu’il martèle depuis les manifestations ayant suivi la mort de George Floyd : « Law and order », formule là encore reprise d’une précédente campagne présidentielle, celle du candidat républicain Richard Nixon en 1968, et qu’il avait remis au goût du jour début juin.

S’il voyait peut-être initialement la question de l’insécurité comme un moyen de retourner une opinion publique qui semblait soutenir majoritairement les manifestations, il en a aussi fait petit à petit un des principaux sujets de sa campagne, au point d’attiser plus ou moins volontairement les tensions.

Mais ce slogan « law and order » n’est pas sans poser des problèmes. Car il s’agit de faire passer deux messages à la fois. Le premier, c’est que le pays est devenu ultra-violent et que cette violence touche d’abord des villes démocrates. Le deuxième, c’est que cela ne peut qu’empirer si Joe Biden parvient au pouvoir et que lui, Donald Trump, va rétablir l’ordre et faire régner la loi.

Sur la première partie, la campagne Trump, avec l’aide des médias d’ultra-droite qui en font des tonnes sur le moindre incident, semble plutôt bien fonctionner : l’insécurité remonterait dans les préoccupations des américains (sans pour autant supplanter la pandémie de coronavirus ou même l’économie)6Avec d’ailleurs, comme cela est souvent le cas sur ces sujets, davantage de craintes sur l’insécurité dans l’Amérique en général que dans leur propre environnement. et les démocrates, qui tentent d’expliquer, chiffres à l’appui, que la montée de l’insécurité est largement fantasmée, semblent bien avoir perdu la bataille de communication sur le sujet.

Mais c’est la deuxième partie du message qui pose problème. Car que peuvent constater les électeurs ? Premièrement que les violences ont surgi et que le désordre persiste alors que Trump est Président. En 1968, année agitée aux Etats-Unis comme ailleurs par les mouvements étudiants, la guerre du Vietnam, les tensions raciales, etc., Richard Nixon et les républicains n’étaient pas au pouvoir et pouvait faire campagne sur le retour à l’ordre en critiquant l’administration démocrate au pouvoir. En 2020, comme le dit Joe Biden «  [Trump] continue à nous dire que s’il était Président, vous seriez en sécurité. Mais il est Président ! ».

Deuxièmement, s’agissant de faire appliquer la loi, le Président est tout sauf exemplaire. Il multiplie, au besoin en utilisant le ministère de la justice, les manœuvres pour échapper à des accusations le concernant (au-delà de son refus de transmettre à la justice ses comptes, il a tenté d’utiliser ces derniers jours le ministère de la Justice pour éteindre une plainte pour viol le concernant) ou pour protéger ses proches (cela va des grâces prononcées envers son ancien conseiller Roger Stone, à l’abandon de poursuites envers un autre de ses proches accusé d’avoir menti au FBI dans le cadre de l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne de 2016, ou au remplacement d’un juge fédéral un peu trop intéressé par les affaires de son avocat et conseiller Rudy Giuliani). Les condamnations ou enquêtes en cours concernant ses proches, pour différentes actions illégales (financement illégal de la campagne de 2016, détournement d’argent, parjures, etc.) ont par ailleurs rythmé son mandat.

Certes l’émoi suscité, dans le milieu des experts juridiques et des constitutionnalistes, par le détournement à son profit ou à celui de ses amis des moyens du ministère de la justice a peut-être du mal à atteindre le grand public.

Mais la pratique récurrente et quasiment assumée du « deux poids deux mesures », que ce soit entre le traitement réservé aux crimes en col blanc et le commun des mortels, entre le meurtrier de deux manifestants « Black Lives Matter » (dont Trump a estimé qu’il était en situation de légitime défense) et celui d’un manifestant pro-Trump (que Trump appelait à arrêter immédiatement), ou, dans un autre registre, la grâce accordée en novembre 2019 à deux militaires condamnés par un tribunal militaire américain pour le meurtre de civils en Afghanistan (qui avait suscité une intense polémique y compris au sein de l’appareil militaire), rend quand même difficilement soutenable un discours martial et intransigeant sur le respect de la loi.

Les sondages continuent d’ailleurs de montrer que les électeurs font davantage confiance à Joe Biden qu’à Donald Trump pour ramener l’ordre (et pour « rassembler » et réconcilier le pays), preuve que le message « law and order » ne passe pas complètement.

Trump ne va pour autant sans aucun doute pas abandonner le mantra « law and order » dans les semaines qui viennent, car il lui permet de consolider sa base électorale et peut encore peut-être faire vaciller des électeurs hésitants, surtout en cas de persistance des violences ou de nouveaux incidents.

Le problème de ce slogan réside aussi dans le fait qu’il n’exploite pas complètement l’idée qu’une arrivée au pouvoir de Biden et des démocrates serait catastrophique pour le pays.

Car en se focalisant sur « law and order », c’est d’abord la peur de l’anarchie qui est mise en avant, et non celle du progressisme sociétale (promotion du droits à l’avortement, extension des droits des minorités sexuelles, etc.) et de la menace sur les valeurs conservatrices (liberté religieuse, droit de porter des armes), ni celle d’une politique économique « socialiste » (interventionnisme, interdiction des industries fossiles, etc.). Il y a pourtant là deux thèmes de campagne sur lesquels le Président peut espérer rallier l’électorat modéré et indépendant.

Or, autant le Président paraît fragile quand il se présente comme un défenseur de l’ordre et de la loi, autant il pourrait sans doute mieux défendre son bilan en matière de défense des valeurs conservatrices (même si la Cour Suprême lui a fait des misères) ou en matière de programme économique. Si son programme économique de 2016 mentionnait un grand plan d’investissements publics (jamais réalisé), peu en ligne avec la doctrine économique des républicains, c’est avant tout les baisses d’impôts et la dérégulation, qui elles sont des piliers des politiques économiques républicaines, que l’on retiendra de son mandat.

Bien sûr, Trump ne cesse d’agiter la peur de la « gauche radicale » dans ces discours, dans ses interviews ou dans ses tweets. Et si on ne doute pas qu’il mène une campagne digitale agressive sur le sujet pour consolider l’adhésion de sa base électorale, lui qui se veut un champion de la communication n’a pas encore réussi à transcrire cela dans une formule choc et simple à reprendre, qui lui permettrait d’accrocher aussi les électeurs indécis, indépendants ou tentés par le vote Biden.

A ce stade, c’est surtout aux travers des attaques personnelles visant son adversaire, son terrain de prédilection, que Trump a tenté de mettre en avant cette crainte du « socialisme ».

C’est ainsi qu’il a peu à peu affiné le surnom attribué à Joe Biden, qu’il appelle désormais « Sleepy Joe Hidden » c’est à dire «  Joe l’endormi caché », le premier attribut visant à pointer l’âge et la prétendue sénilité de son adversaire, le deuxième mettant en avant le fait que Biden a strictement les règles sanitaires de confinement depuis fin mars et est donc resté chez lui pour mener une campagne en ligne, avec une campagne de terrain très limité jusqu’à présent.

L’idée est de présenter son adversaire comme faible et donc potentiellement au main de l’extrême-gauche du parti démocrate, qui en ferait sa marionnette ou son cheval de Troie (on ne peut s’empêcher de conseiller au lecteur de regarder ce spot de campagne aux qualités de réalisation discutables). Car Joe Biden a incontestablement l’image dans le grand public d’un candidat modéré et il peut difficilement être taxé directement de « radicalisme », de « socialisme » ou être dépeint comme un dangereux gauchiste.

Mais l’argument du « cheval de Troie » est un peu tortueux et c’est toute la limite de la tactique qui consisterait à faire de l’expression « Sleepy Joe Hidden », pourtant bien trouvée et reprise sans cesse par ses partisans, le pivot de la dénonciation de la menace représentée par une victoire de Biden. Et si, lors des débats opposant les deux candidats, ce dernier se comporte comme il l’a fait lors de ces récentes sorties médiatiques, il sera compliqué de continuer à le traiter d’« endormi »7Trump a déjà trouvé la parade en émettant l’hypothèse que Biden se dope pour ses prestations publiques..

En 2016, Donald Trump avait réussi – et ce n’était pas simple – à résumer dans des slogans ultra-percutants à la fois son « projet » et les faiblesses de son adversaire, et à utiliser ces slogans pour tourner à son avantage ses propres provocations et sa personnalité pour le moins inhabituelle en politique, qui devenaient dès lors une forme de garantie de sa capacité à renverser la table. Tout ceci était résumé par une question qu’il avait notamment posée aux électeurs afro-américains et qui était aussi devenu un des messages clés de sa campagne : « qu’avez-vous à perdre à voter pour moi ? ».

En 2020, Donald Trump n’est plus du tout dans la même situation et il doit renouveler son approche et ses slogans, dont la reprise pure et simple ne pourraient fonctionner, au mieux, qu’avec ses plus fervents supporters. On l’a dit : son projet reste flou ; son adversaire prête moins facilement le flanc à ses critiques et bénéficie d’une image bien différente d’Hillary Clinton ; pour reprendre la formule d’Hillary Clinton elle-même lors de la convention démocrate, la pandémie, l’affaire George Floyd et ses suites ou les multiples incidents ayant émaillé les quatre dernières années, ont montré ce qu’ils avaient à perdre aux électeurs ayant tenté l’expérience du candidat atypique.

Ces nouveaux slogans et cette nouvelle approche, Trump ne les a manifestement pas encore trouvés. C’est aussi la preuve qu’il oscille encore entre plusieurs grands choix tactiques qui s’offrent encore à lui pour tenter de revenir dans la course (on y reviendra dans une prochaine chronique), que ce soit concernant le thème de campagne à privilégier, l’angle d’attaque le plus pertinent contre Joe Biden.

Mais le temps presse désormais pour imprimer ses messages dans l’esprit des électeurs. Depuis la fin des conventions, la campagne est entrée dans sa dernière ligne droite et s’intensifie. Si l’exposition médiatique des candidats augmente encore (ce qui bénéficie au Président sortant, clairement davantage sur le devant de la scène que son concurrent), l’audience s’est élargie à un public qui s’est peu intéressé à la campagne jusqu’à présent. Il s’agit donc maintenant de marteler des messages clairs et ramassés capables d’atteindre les électeurs peu politisés qui sont à chaque élection décisifs pour le résultat final.

Si l’élection a lieu dans 50 jours, le premier débat présidentiel est, lui, programmé dès le 29 septembre. En deux semaines, s’il veut gagner ce débat, sur lequel il compte beaucoup, sans tout miser sur un effondrement de son adversaire, Trump doit impérativement trouver les « punchlines » et les slogans efficaces qui lui font manifestement défaut jusqu’à présent.

Il en est capable, si tant est qu’il arrive à se remettre un peu en question, à s’extraire de la bulle des courtisans qui l’entourent et à admettre que 2020 n’est peut-être pas un simple remake de 2016.

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