La façon dont Donald Trump gère1On rappellera au passage que l’auteur de ces lignes, qui n’est ni virologue, ni épidémiologiste, se gardera bien de se prononcer sur les mesures de santé publique proposées ou mises en œuvre aux Etats-Unis. Il tente de se limiter à la description des processus de décision, des rapports de force et des conséquences politiques possibles de la situation. les conséquences de la pandémie de coronavirus paraît très éloignée de la posture de « commandant en chef » habituellement adoptée par un Président des Etats-Unis en temps de crise.
Au-delà des conséquences concrètes de cette attitude sur l’évolution de la situation sanitaire et de la situation économique, dont on ne pourra pas faire le bilan avant de longs mois, ce sont évidemment les conséquences sur les chances de réélection du Président en exercice qui sont aujourd’hui dans toutes les têtes. A plus de six mois du scrutin, la seule certitude est qu’il faut se garder de tout jugement définitif et de tout pronostic. Ce qui n’empêche d’essayer d’explorer les conséquences possibles de la tournure prise actuellement par les événements.
Le premier réflexe, comme souvent avec Donald Trump, est de se dire que ça y est, c’est terminé, le masque est définitivement tombé : le Président est erratique, il se contredit d’un instant sur l’autre, rien de ce qu’il annonce n’est mis en œuvre et au final il n’a aucune influence sur la situation, si ce n’est celle de créer de l’entropie et de continuer à polariser le pays2D’aucuns disent d’ailleurs que sa place serait plutôt dans son club de golf floridien de Mar-a-Lago, puisqu’il n’est pas manifestement pas un travailleur essentiel, et qu’il pourrait donc continuer à passer ses journées devant la télévision, mais le plus loin possible de la Maison Blanche. Cela éviterait à ceux qui gèrent vraiment la crise – experts médicaux, membres de la task force – de perdre plus de deux heures par jour à rester à ses côtés lors de conférences de presse dont rien ne sort vraiment.. Et comme tous les Américains s’en rendent compte puisque qu’ils sont sur-informés sur le virus, la raison va enfin l’emporter et les Américains ne peuvent pas faire le choix, pour gérer une crise qui va durer, de prolonger le chaos et l’incompétence à la tête du gouvernement fédéral. Il convient évidemment de nuancer tout cela.
Les récentes enquêtes d’opinion pourraient accréditer ce scénario : Trump ne bénéficie pas d’une forme d’unité nationale derrière le Président, qu’on appelle aux Etats-Unis l’effet « rally ’round the flag » (on dirait sans doute en France l’« union sacrée »). S’il a connu un rebond – limité à quelques % de progression – de popularité au début de la crise en flirtant avec le seuil des 50% d’opinions favorables3On prend ici le sondage Gallup – historiquement le premier à étudier dans les années 30 la popularité des Présidents, notamment parce qu’il permet une comparaison avec les prédécesseurs, cf. infra. En pratique, une dizaine d’institut de sondage teste la popularité du Président, et de nombreux « think tank » procèdent en parallèle à des enquêtes d’opinion plus ciblées, notamment actuellement sur les questions relatives au coronavirus. La plupart des médias retravaillant les sondages disponibles pour donner leur propre chiffre « moyen », on serait bien en peine d’identifier le chiffre le plus pertinent. On notera simplement que s’agissant de la popularité de Donald Trump, les différentes enquêtes sont très largement cohérentes, les écarts entre elles étant souvent dans leur marge d’erreur., il voit aujourd’hui son taux de satisfaction revenir entre 40 et 45%, c’est-à-dire là où il se situe avec une grande stabilité depuis bientôt deux ans4Trump a passé les 18 premiers mois de son mandat à osciller entre 35 et 40% d’opinions favorables..
Rien de comparable avec la popularité de ses prédécesseurs notamment en temps de crise. On pense à Franklin Delano Roosevelt, très populaire tout au long de ses différents mandats entre 1933 (donc pendant les suites de la crise de 1929) et 1945, avec quand même un pic en janvier 1942, soit un mois après l’attaque japonaise contre la flotte américaine à Pearl Harbor, avec 83% d’opinion favorable5Soit un gain d’une dix à quinze points par rapport à l’automne 1941.. Pour prendre un exemple plus récent, George W. Bush, élu de justesse et dans des conditions polémiques en 2000, avait atteint fin septembre 2001 un taux de popularité de 90%, soit un gain de près de 40 points par rapport à sa popularité début septembre6Il a ensuite fallu près de 2 ans pour qu’il retombe au niveau pré-11 septembre..
Les caractéristiques propres à une pandémie sans précédent ne peuvent expliquer les performances médiocres du Président dans les sondages, puisque, dans le même temps, les gouverneurs, qui sont aux manettes et s’efforcent d’informer objectivement les citoyens sur la réalité de l’épidémie et les difficultés rencontrées, atteignent des taux de popularité très élevés (le gouverneur de l’état de New York, Andrew Cuomo avait ainsi fin mars, selon l’Université de Siena, 71% d’opinion favorable, contre 44% un mois plus taux – et 87% d’opinions favorables sur sa gestion de la pandémie).
Parmi les personnalités politiques médiatisées sur la gestion de la crise, Le Président et son vice-Président Mike Pence, sont finalement les rares à ne pas voir leur popularité atteindre des niveaux élevés. Ainsi, un sondage de Fox News7Cohérent avec d’autres enquêtes sur le même sujet, mais on choisit en l’occurrence Fox News qu’on ne peut accuser de vouloir dévaloriser le Président, comme le titre de l’article en témoigne. début avril indiquait que le docteur Antonio Fauci, expert en maladies infectieuses présent tous les soirs aux côtés du Président pour faire un point sur les aspects scientifiques de la crise… et parfois pour contredire le Président, obtenait 80% d’opinions favorables s’agissant de la gestion de la pandémie, contre 51% pour le Président.
Le Président, qui a perdu, à ce stade et probablement jusqu’à l’élection, un de ses meilleurs arguments de réélection, la bonne santé économique du pays, n’a semble-t-il pas trouvé à ce stade la bonne formule pour capitaliser sur la situation de crise. Mais a-t-il même envisagé de s’adapter à ce contexte nouveau et de changer la formule qui lui a permis d’être élu pour devenir enfin présidentiel ? On peut en douter.
Evidemment, on peut mettre cela sur le compte de son entêtement, de son narcissisme, de son incapacité à se remettre en cause, des courtisans qui le flattent et l’encouragent à ne rien changer. Le fait que sa popularité ne baisse pas dans les enquêtes d’opinion peut aussi le conforter dans sa posture actuelle puisque cela veut au moins dire qu’il ne perd pas sa base.
En effet, Trump ne croit pas les sondages et les chiffres qui lui sont défavorables, le résultat de la présidentielle 2016 ayant, de son point de vue, fait l’éclatante démonstration que les sondeurs ne l’évaluent pas correctement. Ainsi, il considère généralement que les médias minimisent sa popularité pour lui faire du tort.
Trump considère surtout probablement que l’approche qui lui a réussi par le passé, en affaires comme en politique, n’a pas de raison de ne pas fonctionner cette fois. Cette approche consiste à tout miser sur l’image qu’il projette, et non sur la réalité et l’efficacité de ce qu’il fait.
Ainsi, être perçu comme le défenseur de l’économie et celui qui a voulu relancer la machine est au moins aussi important que le redémarrage de l’économie lui-même. Et le président espère même peut-être secrètement, disent certains de ces détracteurs, que les gouverneurs ne lèveront pas trop vite les restrictions qu’ils ont imposées car le risque d’une deuxième vague de contamination semble bien réel.
Comme à son habitude, et avec l’absence de scrupules qui le caractérise, le Président jouerait gagnant / gagnant : si les gouverneurs lèvent trop vite les restrictions et que le nombre de décès explose, ce sera de leur faute puisque le Président leur a laissé la gestion sanitaire. S’ils tardent et que l’économie continue de se détériorer, le Président expliquera qu’il a été empêché par les gouverneurs démocrates de sauver l’économie, et qu’il est comme d’habitude victime de l’incompétence et/ou de la haine à son endroit des démocrates. Pile je gagne, face tu perds.
Mais on peut identifier plusieurs limites à cette approche dans la situation sans précédent que constitue la pandémie de coronavirus. La première, c’est qu’il est vraiment de l’intérêt du Président que l’économie ne soit pas trop endommagée au moment de l’élection puisqu’il a beaucoup misé sur sa réussite économique pour être réélu. Faire porter le chapeau aux gouverneurs ou aux élus démocrates du Congrès ne suffira peut-être pas. Ce n’est pas par exemple comme le « mur » à la frontière américano-mexicaine, qui relève largement du symbole : le fait qu’il soit construit ou non n’a au final pas d’impact réel sur la plupart des électeurs. Alors qu’une crise économique profonde sera directement ressentie par de nombreux Américains.
Et, si Donald Trump a une base partisane très solide (qui ne changera pas d’avis, quelles que soient les circonstances), et des opposants tous aussi inflexibles, l’élection se joue sur le taux de participation8On rappelle que le taux de participation oscille en 49% et 58% sur les dix dernières élections présidentielles., et sur les électeurs fluctuants qui votent d’abord en fonction de leur propre situation au moment des élections, et à moindre degré de leur perception de ce qui explique cette situation et des mesures proposées par les candidats, et pour la plupart sans s’intéresser aux débordements verbaux ou au compte Twitter du Président.
C’est pourquoi le Président, qui misait sur ce vote « pragmatique » quand il mettait en avant les résultats de l’économie américaine début 2020, a poussé le Congrès à adopter à nouveau des mesures de soutien de l’économie et évoque déjà un prochain train de mesure (comme lors du paquet financier de fin mars, le Président est beaucoup plus allant que les élus républicains en matière de soutien financier à l’économie et leur a forcé la main pour ne pas limiter les mesures finalisées le 21 avril à une rallonge budgétaire pour le dispositif d’aide aux petites et moyennes entreprises).
La deuxième limite, c’est que, à ce stade tout au moins, les Américains sont davantage focalisés sur l’objectif d’arrêter la diffusion du virus que sur les conséquences économiques (58% contre 32%, selon par exemple une enquête menée par NBC et le Wall Street Journal, 66% contre 32% selon le Pew Research Center). Les résultats sont différents selon les affinités politiques mais les sympathisants républicains eux-mêmes, sont divisés : 39% s’inquiètent d’une « réouverture » trop rapide de l’économie, 48% d’un redémarrage retardé dans le sondage NBC Wall Street Journal (51% contre 48% selon le Pew research Center). La focalisation totale du Président sur l’économie est donc peut-être pour l’instant décalée des préoccupations actuelles de la majorité des Américains, y compris peut-être pour une fois, d’une partie de sa base électorale9Trump raisonne peut-être à long terme en misant sur un changement d’attitude de la population par rapport aux restrictions qui remettent en cause les libertés individuelles ou pénalisent l’économie. Mais il nous a plutôt habitués à des raisonnements particulièrement court-termistes….
Enfin, dernière limite, pour être en mesure plus tard d’accuser les démocrates par exemple d’avoir pris en otage l’économie américaine, le Président a intérêt à ce qu’il n’y ait pas d’ « union nationale » et à continuer à politiser le sujet. Le fait qu’il ait endossé immédiatement, tous comme les médias conservateurs (comme par exemple dans une comparaison discutable la très influente Laura Ingraham de Fox News), les manifestations très limitées anti-« lock down » lancées le 17 avril, traduit la volonté de créer des polémiques, de diviser l’opinion et de fragiliser certains gouverneurs. Comment en effet se présenter comme la victime de gouverneurs partisans si ces derniers continuent à avoir des taux d’opinions favorables très élevés (et plus élevés que ceux du Président) ?
Mais est-ce la volonté de la majorité des Américains, qui a plutôt en tête le souvenir d’une phase de trêve politique (certes relative et largement de façade) après le 11 septembre 2001, et qui n’en peut plus de façon générale des discussions politiciennes stériles ?
On se souvient par exemple du désintérêt frappant des citoyens ordinaires pour la procédure d’« impeachment » menée contre Trump à l’automne dernier. Ce dernier avait bénéficié d’un regain ponctuel de popularité à cette occasion (approchant fin janvier, au moment du vote final, les 50% d’opinions favorables), non pas parce que les Américains le jugeaient innocents mais plutôt parce qu’ils y ont vu un gaspillage du temps et des moyens du Congrès, pour une procédure vouée à l’échec, alors que pendant ce temps, le pays a de nombreux problèmes à résoudre. Les mêmes sentiments ne vont-ils pas se retourner contre Trump, davantage occupé à lancer des polémiques qu’à gérer la crise ?
On se demande dès lors si pour la première fois, la rhétorique « Trumpienne » (à savoir, pour le dire très vite, « je suis le seul à vous comprendre et à agir pour vous en redressant l’Amérique, et tous les autres – politiques, médias, Chine, Europe, etc. – sont contre moi, vous cachent la vérité parce qu’ils travaillent pour eux et pas pour vous, et veulent m’empêcher d’avancer – et parfois y arrivent ») contre laquelle ses opposants politiques comme les médias n’arrivent pas à trouver d’accroche, n’est pas inadaptée à la situation et même contre-productive.
Tout simplement parce que cette crise (contrairement aux débats sur l’immigration, le terrorisme, la mondialisation) touche directement et concrètement, d’une manière ou d’une autre, la vie quotidienne de presque tous les Américains, qui peuvent et vont pouvoir se faire directement une idée de la réalité de la situation. Il n’est pas certain que le concept des « alternative facts », cher au Président et à ses soutiens d’ultra-droite, fonctionne très bien avec la mort d’un proche ou la perte de son emploi.
Les médias (notamment le Washington Post) rapportent d’ailleurs que le débat fait rage au sein de l’équipe de campagne de Trump sur les messages à faire passer en priorité actuellement. Les tenants de la promotion de l’action présidentielle sur la gestion de la pandémie auraient été mis en minorité.
En effet, la communication tentant de valoriser l’action présidentielle10En mettant avant l’arrêt dès fin janvier des vols avec la Chine, ou insistant sur le fait que certains modèles épidémiologiques prédisaient 2 millions de morts si aucune mesure n’avait été prise, ce qui veut dire que tout bilan inférieur démontrera la qualité de l’action présidentielle. pour contrecarrer les nombreux articles dans la presse identifiant les failles dans la gestion initiale de la crise11Au risque de se répéter : l’auteur ne s’aventurera pas à porter un jugement sur d’éventuelles erreurs commises en matière de santé publique. ne semble pas vraiment fonctionner jusqu’ici. Au contraire, une enquête du Pew Research Center parue le 16 avril montre que 65% des Américains considèrent que Trump n’a pas pris le coronavirus suffisamment au sérieux initialement, et surtout que 35% des sympathisants républicains ont cette opinion, alors que le Président est généralement très bien jugé par les sympathisants républicains12La comparaison avec de précédentes enquêtes sur le même thème montre même plutôt une augmentation du taux de personnes critiques sur la gestion initiale du coronavirus, avec la limite qu’il s’agit d’enquêtes réalisées par des instituts différents..
Les démocrates ne s’y trompent d’ailleurs pas et cherchent à enfoncer le clou en attaquant la gestion et l’attitude du Président, comme en témoigne une vidéo récente mise en circulation par la campagne Biden qui fait la comparaison entre le Président et ses prédécesseurs en temps de crise13La question étant de savoir si les Américains qui ont voté sciemment pour un personnage aussi iconoclaste sont sensibles à ce genre de comparaison….
Les sondeurs de l’équipe Trump constatent aussi comme tout le monde les performances médiocres du Président dans les enquêtes d’opinion, surtout relativement à celle des gouverneurs. Ainsi la popularité de la gouverneure démocrate du Michigan ou le résultat des élections tenues début avril dans le Wisconsin14Dont on a parlé ici. sont inquiétantes dans la perspective du scrutin présidentiel à venir dans ces états décisifs en novembre prochain.
Ce n’est donc pas par hasard que, alors que des manifestations anti-« lock down » ont lieu dans un dizaine d’états, dont certains sont gouvernés par des républicains, le Président a ciblé ses tweets de soutien sur trois états15Virginie, Minnesota, Michigan. dont les gouverneurs sont démocrates et qui sont considérés comme des états décisifs pour l’élection de novembre prochain.
On sent donc depuis quelques jours une inflexion de la communication présidentielle. Non pas pour adopter enfin une posture présidentielle conciliatrice « classique » et miser sur l’effet « rally ’round the flag » dont on a déjà parlé mais plutôt pour faire diversion et allumer des contre-feux dans le but de remettre sur le devant de la scène des débats idéologiques partisans.
C’est le cas des attaques répétées sur la Chine16Une enquête de Harris résumée ici indiquait début avril que 77% des Américains estimaient la Chine responsable de la pandémie et qu’une grande majorité souhaite des représailles économiques., lesquelles permettent au Président de développer sa rhétorique protectionniste et de valoriser les conflits commerciaux avec la Chine qu’il a initiés depuis le début de son mandat. Mais aussi d’attaquer Joe Biden en l’accusant d’être un ami de la Chine17Biden a immédiatement répliqué en rappelant que le Président avait loué la gestion de la pandémie par la Chine… l’étape d’après étant de remettre sur le tapis le fait que le fils de Biden (celui-là même qui est à l’origine de l’« impeachment » puisque Trump était accusé d’avoir voulu monnayer l’aide militaire à l’Ukraine en échange de l’ouverture d’une enquête pour corruption contre Hunter Biden) fait des affaires en Chine18L’ironie étant que c’est aussi le cas d’Ivanka Trump et de son mari..On retrouve là les bonnes vieilles recettes qui avaient si bien fonctionné contre Hillary Clinton.
C’est aussi le cas du soutien apporté aux manifestations « anti-lock down » qui, en plus de fragiliser les gouverneurs concernés, donne au Président l’occasion de remettre sur le tapis le débat sur le contrôle des armes à feu puisque certains de ces mouvements sont menés par les lobbyistes pro-armes (Trump a d’ailleurs fait référence dans un de ses tweets au deuxième amendement à la constitution sur lequel se base les pro-armes pour récuser les restrictions au port d’arme), et plus généralement les questions relatives aux libertés individuelles et au rôle du « gouvernement » dans la vie quotidienne.
Enfin, la signature le 22 avril d’un « executive order » (équivalent d’un décret présidentiel, donc une mesure qui ne passe pas par le Congrès) visant à renforcer les restrictions à l’immigration pendant 60 jours entre dans la même logique.
Présentée comme répondant à un double objectif sanitaire (pour éviter l’entrée de personnes contaminées) et économique (pour donner la priorité aux Américains qui cherchent un emploi), cette mesure ne change pas grand-chose en pratique : les frontières étaient déjà fermées et les demandes de visas et cartes vertes largement suspendues ; suite aux protestations de certains secteurs économiques, des exceptions importantes ont été introduites (par exemple pour les travailleurs agricoles ou personnels de santé19En Californie, un tiers des « travailleurs essentiels » seraient immigrés ou nés à l’étranger…).
Mais cette annonce remet au premier plan un marqueur idéologique de Trump, et lui permet en même temps de jeter une pierre dans le jardin des démocrates. En effet, l’impact économique, notamment sur les salaires, de l’immigration est un débat récurrent au sein du parti démocrate et les candidats ont souvent été mal à l’aise sur le sujet pendant la primaire démocrate. Il s’agit en effet à la fois de séduire l’électorat latino en défendant l’immigration mais de ne pas effrayer l’électorat ouvrier des états industriels décisifs (Michigan, Wisconsin, Minnesota) qui voient d’un mauvais œil tout forme de concurrence internationale. Avec un taux de chômage atteignant 20% ou 30%, le débat sur l’immigration risque d’être encore plus délicat pour le parti démocrate.
Trump essaye donc de faire en sorte que l’élection de novembre ne soit pas un referendum sur sa gestion de la crise sanitaire et même économique, ce qui paraîtrait aujourd’hui trop dangereux, ni même uniquement un referendum sur sa personne et son programme, même s’il est plus à l’aise dans ce registre, mais aussi voire surtout un débat sur son adversaire et sur le programme démocrate, car c’est là qu’il sera le plus facile d’utiliser les attaques personnelles et la désinformation qui ont fait son succès en 2016. Encore une fois, dans un pays très polarisé politiquement mais aussi très marqué par l’abstention et le rejet de la classe politique, et même si la crise actuelle semble fragiliser le Président, pour gagner l’élection présidentielle, les démocrates ne pourront pas se contenter de faire du « Trump bashing ».
Ici, le débat politique se limite à une sorte de concours Lépine des meilleures mesures de lutte contre le virus, et de revalorisation de la condition des soignants -auxquels on doit d’être encore en vie-
Les médecins ont antenne ouverte pour dire qu’on en fait pas assez. Personne ne parle des conséquences économiques, or il me semble que Trump ose dire que tout cela ne sera pas sans conséquences, et qu’il faudra bien un jour payer la facture. Si en novembre on a pris un peu de recul, il pourra dire qu’il avait raison avant les autres.