Le « Trump bashing », une fausse bonne idée pour les démocrates

Pour un observateur extérieur qui analyserait le contexte de l’élection américaine au crible des critères français, l’élection 2020 peut paraître imperdable pour les démocrates compte tenu de l’adversaire.

Les électeurs qui ne sont pas allés voter ou ont voté Trump « pour voir » auront retenu la leçon tant ils voient chaque jour un président qui débite des âneries et rabaisse la fonction présidentielle. Ses sorties xénophobes ou sexistes vont mobiliser les minorités afro-américaines et latinos et les femmes. L’image des Etats-Unis dans le monde et son influence ont été grandement amoindries, elle est toujours plus inégalitaire, le taux de suicides et d’overdoses de produits opiacés (on y reviendra sans doute un jour) est problématique : donc non, l’Amérique n’est pas du tout « great again ».

Ainsi, il suffirait aux démocrates de mener une campagne férocement anti-Trump pour mobiliser leur base, maximiser le vote « utile » dans leur camp et ainsi neutraliser les divisions internes, et attirer les républicains modérés ou les « indépendants » qui veulent sans aucun doute passer à autre chose rapidement.

Mais la vision selon laquelle les excès de Trump sont suffisants pour amener tout électeur sensé à voter pour n’importe quel candidat qui lui sera opposé, est – malheureusement – erronée.

D’abord parce que Trump est très clivant mais sa base militante est plus motivée que jamais, prête à repartir au combat et elle ira voter massivement. Au-delà des militants, les sympathisants républicains soutiennent Trump (93% de taux de satisfaction en février 2020).

Ensuite parce que les angles d’attaque semblent aujourd’hui faibles et les candidats démocrates et leur staffs paraissent désemparés face à l’inefficacité des critiques qu’ils peuvent formuler  :

    • Trump n’a jamais cherché en 2016 à dissimuler son caractère, ses idées ou les méthodes qu’il utiliserait. Depuis son élection, il assume tout à 100%. Les électeurs de 2016 étaient prévenus. L’efficacité des attaques sur sa personnalité pour mobiliser de nouveaux électeurs ou retourner son électorat de 2016 semble plus qu’incertaine.
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    • Les accusations d’abus de pouvoir ou de fragilisation des institutions, alors que les exemples ne manquent pas (au delà de l’affaire ukrainienne qui a suscité la procédure inaboutie d’ « impeachment », on peut citer l’utilisation de son empire hôtelier par les délégations US, les interventions dans les affaires judiciaires, etc.), sont manifestement inefficaces. Que ce soit parce que l”éducation civique et la conscience du bien public semblent bien faibles, ou parce que les techniques de communication de la galaxie Trump sont remarquablement efficaces pour embrouiller toute histoire. En témoigne la popularité accrue du Président depuis l’impeachment manqué.
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    • le rejet de la politique traditionnelle et de Washington reste très fort, et toute attaque contre Trump est immédiatement retournée par lui-même et ses partisans comme le signal que « Washington », le « système » (le « deep state ») veulent sa défaite pour pouvoir continuer comme avant. L’essor des réseaux sociaux, la polarisation de la presse américaine entre les fanatiques de Trump et la presse dite « sérieuse » qui a chaque jour plus de mal à ne pas verser systématiquement dans la rhétorique anti-Trump ne font qu’amplifier cette situation.
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    • Sur le fond, Trump peut revendiquer la bonne santé de l’économie et aura des munitions multiples pour défendre un bilan, discutable dans les détails ou dans les implications de long terme, mais finalement assez conforme à ses promesses sur le plan économique, en matière d’immigration ou même de politique étrangère (on y reviendra sans doute à l’occasion…).

Même si les attaques sur Trump seront un passage obligé pour mobiliser la base et les militants démocrates, les candidats à la primaire comme les sympathisants sont parfaitement conscients que le rejet de Trump ne suffira pas à gagner. Et à défaut d’un prétendant charismatique consensuel dans son camp (au moins pour l’instant) et qui pourrait jouer sur sa personnalité, le candidat ou la candidate démocrate devra aussi avoir un projet.

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