Biden au pas de charge ou le pari de l’unité nationale en court-circuitant le parti républicain

En un peu plus de 15 jours depuis la cérémonie d’investiture du 20 janvier, Biden et son administration n’ont pas chômé, signant près d’une cinquantaine d’« executive orders » (qu’on peut comparer à des décrets présidentiels) et pressant le Congrès pour adopter au plus vite un nouveau train de mesures de soutien à l’économie pour un montant de 1 900 milliards de dollars.

Une partie importante des « executive orders » vise à défaire des mesures prises – avec ce même outil – par Donald Trump, et plus particulièrement des mesures emblématiques du mandat de ce dernier et du « Trumpisme », dans tous les domaines : suppression du « muslim ban » restreignant l’entrée sur le territoire des Etats-Unis de ressortissants de certains pays musulmans accusés de soutenir le « terrorisme », suspension des budgets finançant les travaux du mur à la frontière américano-mexicaine, suppression de l’exclusion des transgenres de l’armée, abandon du projet d’oléoduc de Keystone, retour dans les instances multilatérales (Accord de Paris sur le climat, Organisation Mondiale de la Santé), etc.

Quant aux mesures de soutien à l’économie, elles incluent un chèque de 1400 dollars pour tous les américains gagnant moins de 75 000 dollars par an1Il s’agit d’atteindre l’objectif de 2000 dollars que les démocrates avaient poussé en décembre 2020, pour n’obtenir dans l’accord finalement passé avec les républicains un chèque de 600 dollars.,un budget attribué aux écoles pour les frais nécessaires à la reprise des classes en présentiel dans de bonnes conditions sanitaires, un soutien financier pour la garde d’enfants, le soutien aux budgets des exécutifs locaux, mis en difficulté par la crise économique et la baisse de leurs ressources fiscales (et qui ont été amenés à licencier plus d’un million de leurs employés – i.e. des enseignants, des policiers, des pompiers – depuis février 2020 et encore 50 000 en décembre) ou encore la hausse progressive du niveau du salaire minimum fixé par le gouvernement fédéral pour atteindre 15 dollars en 2026.

Les républicains n’ont pas tardé à protester contre cet empressement à agir et contre le contenu des mesures, accusant le Président de trahir sa promesse d’œuvrer à la réconciliation du pays et de se comporter comme le Président partisan et clivant qu’il annonçait justement ne pas vouloir être.

Ce discours n’est pas seulement le fait des partisans de Trump qui misent sur la polarisation politique du pays, cherchent à entretenir le récit d’un combat à mort avec des « gauchistes » (en anglais les « radical left-wing liberals ») qui cherchent à détruire le Trumpisme, et veulent surtout un climat politique centré sur l’affrontement rhétorique et médiatique plutôt que sur les débats de fond – ce n’est pas un hasard si certaines figures du courant « Trumpiste » au Congrès expliquent clairement que légiférer n’est pas leur priorité.

Des élus plus modérés, et se déclarant depuis l’élection de novembre prêts à travailler avec la nouvelle administration, s’inquiètent aussi publiquement de la « précipitation » affichée par Joe Biden et son équipe. Ils critiquent le contenu des « executive orders » qui, tels des chiffons rouges, électrisent la base républicaine et compliquent la vie d’élus prêts à travailler avec les démocrates, ou expliquent que même les républicains les plus aidants et les plus ouverts ne peuvent pas raisonnablement creuser à nouveau le déficit public à cette hauteur, quelques semaines après avoir déjà voté un paquet de près de 900 milliards de dollars, etc.

Biden serait-il en train de s’aliéner les rares républicains enclins à travailler avec lui et d’aider le parti républicain, en pleine guerre interne à propos du positionnement à adopter vis-à-vis de Donald Trump, à resserrer les rangs ? Il a en réalité des bonnes raisons de se comporter comme il le fait.

En premier lieu, détricoter au plus vite l’héritage du mandat Trump a plusieurs mérites.

D’abord parce cela supprime des mesures aberrantes, injustes, discriminantes, contre-productives, etc. Biden voulait aussi marquer immédiatement certaines de ses priorités (comme la lutte contre le changement climatique, le retour sur la scène multilatérale, etc.). Son expérience à la vice-présidence joue également : un des regrets de l’équipe Obama (exprimé par Barack Obama lui-même dans son récent livre de mémoires) est de ne pas avoir immédiatement mis en œuvre la fermeture du centre de détention de Guantanamo et d’avoir préféré avoir un « plan » avant de prendre la décision. On imagine que c’est avec ces souvenirs en tête que Biden a choisi d’annoncer d’emblée l’arrêt de l’oléoduc de Keystone.

Ensuite, sur le plan politique au sens moins noble du terme, en faisant cela d’un coup, Biden ouvre tellement de fronts en même temps que le camp conservateur et les Trumpistes ne savent plus où donner de la tête. En égrenant ces mesures dans le temps, Biden aurait dû affronter une série de polémiques interminables.

Il donne aussi des gages immédiats aux mouvements progressistes, avec l’espoir de s’épargner pendant au moins quelques temps, des attaques de ce côté-là. Dans le même temps, la frange du grand public la moins politisée, que Biden n’a pas forcément envie d’amener sur le terrain de la guerre culturelle, est davantage préoccupée par la pandémie et la situation économique (sur lesquelles Biden est aussi très actif) que par ces sujets symboliques, qui ont donc surtout un écho chez les militants progressistes, ce qui n’est sans doute pour déplaire à Biden.

Il y a sans doute aussi, derrière cet empressement à effacer une partie de l’héritage de Trump, la volonté de Biden de tourner au plus vite la page Trump et de sevrer l’écosystème médiatico- politique américain de son obsession pour Donald Trump – même si le procès d’  « impeachment » de l’ancien Président, qui va s’ouvrir le 8 février, ne va pas manquer de remettre ce dernier sur le devant de la scène.

Enfin, Biden n’est sans doute pas mécontent de montrer que quelques signatures suffisent à supprimer des mesures emblématiques de Donald Trump et à faire ainsi la preuve que gouverner à coups de tweets et de décrets présidentiels, sans chercher à légiférer, ne permet pas d’imprimer durablement sa marque sur la société américaine. Au final, il ne restera de Donald Trump, du point de vue des accomplissements en matière de politiques publiques, pas grand chose d’autre que la réduction d’impôt massive votée par le Congrès en 2017.

Ceci est à la fois un signal (dont on doute qu’il percole vraiment…) pour les électeurs tentés par les élus davantage présents sur les plateaux télévisés qu’au Congrès, mais aussi pour son propre camp et notamment pour la gauche du parti démocrate qui appelle à utiliser également au maximum les « executive orders » : l’Obamacare n’était pas parfait ni aussi ambitieux que les progressistes l’auraient voulu, mais, inscrit dans la loi plutôt que mis en œuvre par des décrets présidentiels, il n’a pas pu être défait malgré les promesses de Trump et de nombreux républicains.

Biden se garde d’ailleurs à juste titre d’en faire trop sur ses propres « executive orders » : s’il n’arrive pas à en transformer une partie en loi, ils ont toutes les chances d’être annulés à la prochaine alternance. Et le Président, qui est un partisan de la politique des avancées incrémentales, ne manquera pas de rappeler à son aile progressiste qu’elle doit dès à présent envisager d’abaisser un peu ses ambitions si elle veut pouvoir inscrire une partie de son agenda dans la loi.

Il sait aussi que ses propres « executive orders » ne manqueront pas d’être attaqués en justice (tout comme les mouvements progressistes avaient attaqué avec succès une partie de ceux de Trump) – c’est déjà le cas pour le moratoire sur les expulsions d’immigrés illégaux. Or, le pouvoir judiciaire et notamment la Cour Suprême, ont été peuplés, pendant le mandat de Donald Trump, de juges conservateurs qui risquent de compliquer fortement la mise en œuvre d’un certain nombre d’éléments du programme de campagne de Joe Biden.

Cet acquis-là du mandat Trump, Biden ne pourra pas y faire grand-chose pendant sa Présidence. En revanche, agir vite, quitte à devoir batailler devant la justice, permet aussi de tester rapidement l’ampleur des obstacles que pourraient opposer les juges conservateurs omniprésents dans le pouvoir judiciaire et de calibrer ensuite au mieux son action, ce qui va de pair avec l’objectif affichée par Biden d’obtenir des avancées concrètes.

Quant à la volonté de faire passer des mesures économiques fortes, elle répond à un impératif d’urgence que ne cessent de rappeler de nombreux économistes. Plus particulièrement évidemment ceux qui sont proches des démocrates, à commencer par le président de la banque centrale ou Janet Yellen, la nouvelle « Secretary of Treasury » (i.e. la ministre des finances). Pour eux, le principal ennemi de la reprise économique, c’est l’inaction. Et il vaut mieux trop dépenser que pas assez (« better going too big than too small » pour reprendre une formule martelé par Biden et son équipe économique).

« Si nous ne faisons rien, nous risquons de connaître une récession plus longue et plus douloureuse maintenant et des répercussions de long terme sur notre économie. […] La chose la plus intelligente à faire est d’agir massivement. »

Janet Yellen, ministre des finances, lors de son audition par le Sénat le 19 janvier 2021

Biden sait bien qu’il se place lui-même devant un dilemme : essayer de négocier avec les républicains pour respecter la promesse de chercher autant que possible des accords bi-partisans, au risque à la fois d’amoindrir son paquet de mesures et de ne pas arriver à un accord avant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ou abandonner cet engagement et passer en force, en utilisant la procédure dire de « budget reconciliation » qui permet de s’exonérer de l’obligation de disposer de l’accord de 60 des 100 sénateurs pour adopter une loi2La procédure a été utilisée par Obama pour faire passer sa réforme de l’assurance santé, l’Obamacare, en 2010 et par Donald Trump en 2017 pour sa réforme fiscale., brûlant d’emblée une cartouche importante et auquel une administration ne peut recourir que de façon limitée.

Dans sa réflexion, Joe Biden a sans doute là encore le précédent des premières semaines au pouvoir de Baracko Obama. A peine investi en janvier 2009, et fidèle au message d’unité qu’il avait lui aussi porté pendant sa campagne, Obama avait voulu négocier avec les républicains les mesures de soutien à l’économie après la crise financière de l’automne 2008. Après avoir revu à la baisse ses ambitions pour tenter d’obtenir un accord bi-partisan, il avait fini, pressé par le temps, par faire passer un train de mesures limité sans pour autant obtenir l’accord des des sénateurs républicains.

Les mesures adoptées avaient a posteriori étaient jugées inadaptées et insuffisantes car manquant cruellement d’un volet permettant d’atténuer l’impact de la récession sur les américains ordinaires. Au final, non seulement Obama n’avait pas pu bénéficier du certain crédit politique qu’aurait peut-être pu lui apporter un accord bi-partisan, mais les conséquences économiques de la crise financière avaient été lourdes pour les américains les plus vulnérables et Obama, accusé de ne pas avoir fait assez pour les américains ordinaires dans sa réponse à la crise financière, avait payé un lourd prix politique lors des élections de mi-mandat de 2010.

Si Biden et son équipe réaffirment sans cesse leur volonté d’obtenir un accord bipartisan, ils ne cessent d’insister sur la nécessité d’agir et d’aider rapidement les américains les plus vulnérables et il est de plus en plus probable qu’ils ne vont pas tarder à choisir l’option du passage en force, après avoir fait quelques concessions aux républicains, probablement sur le chèque de 1400 dollars, pour marquer leur bonne volonté (et pour s’assurer également du soutien de l’ensemble des sénateurs démocrates, dont certains ont déjà fait savoir qu’ils considéraient par exemple que le chèque de 1400 dollars devait être ciblé sur les américains les plus vulnérables). Les chefs des groupes démocrates à la Chambre des représentants et au Sénat ont d’ailleurs posé les premiers jalons de l’utilisation de cette procédure le 1er février.

En pratique, ils n’ont pas vraiment le choix : bien sûr, quelques sénateurs républicains ont également clamé leurs bonnes dispositions, mais la contre-proposition qu’une dizaine d’entre eux a transmis à l’administration Biden paraît difficilement acceptable : moins de budgets pour les écoles ou les gardes d’enfant, amoindrissement des dispositions relatives au chèque de 1400 dollars, suppression du budget accordés aux exécutifs locaux, retrait des dispositions relatives à la hausse progressive du salaire minimum, etc.

Autant d’éléments sur lesquels l’administration Biden s’est trop avancée pour pouvoir transiger à hauteur de ce que semblent vouloir les républicains. Il y a bien sûr une part de tactique côté républicain (comme du côté de Biden et son équipe) pour laisser de la marge de négociation, mais on voit mal comment le fossé pourrait être totalement comblé rapidement.

Or, au-delà de l’urgence à agir pour soutenir l’économie (que les républicains contestent, estimant qu’il convient d’évaluer les effets du paquet de mesures adopté en décembre), un autre élément de calendrier s’impose. Le Président Biden ne dispose pas de 100 jours de période de grâce pour déployer progressivement son action, et pas uniquement parce que les crises sanitaires et économiques sévissent durement : le 8 février prochain commencera le procès d’« impeachment » de Donald Trump au Sénat, qui va peut-être refermer la fenêtre, déjà étroite, de bonne volonté du côté républicain3On a déjà évoqué ici combien l’« impeachment » était à la fois indispensable et problématique pour les démocrates..

Car si, dans la foulée de l’émotion causée par l’invasion du Capitole, on a pu l’avoir le sentiment d’un électrochoc au sein du parti républicain, à la fois par rapport aux dégâts causés par le soutien à Donald Trump et par rapport à la nécessité d’apaiser les américains en répondant à leurs problèmes concrets, il est beaucoup moins évident aujourd’hui que les républicains soient prêts à en tirer des conclusions opérationnelles radicales et, d’une part, à rompre les liens avec Donald Trump et, d’autre part, à entrer dans une logique bi-partisane.

Bien sûr certains républicains courageux appellent désespérément à tourner la page Trump avec les slogans « country first » ou « party first » (et non « Trump first »). Mais les rétorsions contre les 10 élus républicains à la Chambre des représentants qui ont voté pour l’ « impeachment », ont été lancées par les antennes locales du parti républicain, avec le soutien des pistoleros de Donald Trump  et leur avenir électoral est très incertain. Et le leader républicain à la Chambre , Kevin McCarthy, qui avait pourtant critiqué publiquement les discours incendiaires de Donald Trump (sans pour autant voter en faveur de l’« impeachment »), s’est senti obligé de rendre visite à l’ancien Président en Floride pour préparer les élections de 2022).

Dans ce contexte, comment un républicain qui continue à craindre les foudres des durs du clan Trump (le fait que 45 sénateurs républicains aient voté en soutien de la tentative d’un des leurs d’empêcher la tenue d’un procès d’ « impeachment » prouvent que cette peur est omniprésente) pourrait dans le même temps afficher sa proximité avec un Président dont ce même clan Trump continue à laisser entendre qu’il est illégitime ?

Et comment ceux qui sont déjà accuser d’être des « republicains in name only » ou des traitres pour le simple fait de critiquer Trump voudraient prendre le risque de s’exposer encore plus en fricotant avec les démocrates, alors que leur priorité est d’abord de sortir vainqueur (ou sans trop de dommages) des dissensions internes du parti ?

Lorsque Mitch McConnell, leader des républicain au Sénat, intervient publiquement, ce qui n’est pas dans ses habitudes, dans les débats du groupe républicain de la Chambre des représentants sur le sort à réserver à l’égérie QAnon Marjorie Greene après que le dossier compilant les dérapages de cette dernière a grossi significativement ces derniers jours (elle aurait par le passé émis des doutes sur l’authenticité de l’attaque du Pentagone le 11 septembre 2001, et accusé des tueries de masse d’être des coups montés par les « anti-guns »), il prend, pour tenter de sauver son parti d’une dérive complotiste dont il mesure les dangers, un risque politique certain compte tenu de la popularité de cette figure montante du parti. On le voit mal dans le même temps accentuer ce risque en faisant des cadeaux à Biden.

Le moins qu’on puisse dire que ceux qui ont pris la parole pour appeler à couper les ponts avec Trump n’ont pas enclenché une dynamique au sein du parti. Ils n’ont pas non complètement perdu la partie puisque Liz Cheney, une des « 10 », a été confirmée comme numéro 3 du parti à la Chambre des représentants, malgré la tentative des « Trumpistes » de l’écarter. Mais les déchirements sont exposés publiquement. et si le leader républicain au Sénat débat (exposé publiquement) fait rage entre les différentes factions, mais le parti est surtout en train de se déchirer publiquement, comme le montre les atermoiements

La tentation pour une majorité d’élus républicains de se replier, au moins à court terme, sur une posture d’obstruction et d’opposition systématique, le cas échéant masquée derrière des protestations de bonne foi et des propositions d’accord clairement inacceptables pour les démocrates, risque d’être forte et accentuée par un effet moutonnier : qui, alors que la réaction des électeurs républicains est incertaine, est vraiment prêt à être parmi les premiers à se revendiquer comme un constructif prêt à travailler sérieusement avec Biden, avec l’espoir d’entraîner suffisamment de ses camarades ?

L’annonce du sénateur républicain de l’Ohio Rob Portman, vétéran respecté pour son bilan législatif, de sa volonté de ne pas se représenter en 2022 est venu matérialiser ce constat : il explique en effet qu’il est « de plus en plus difficile de surmonter les blocages pour mettre en place des politiques substantielles […] dans un pays où les membres des deux partis sont toujours davantage poussés vers la gauche et vers la droite, ce qui veut dire qu’il y a trop peu de gens qui cherchent vraiment des terrains d’entente ».

On pourrait dès lors se demander si on n’en est pas déjà, à peine deux semaines après le début de la Présidence Biden, à faire un constat d’échec, s’agissant du projet de refaire fonctionner Washington, un objectif pourtant au cœur de la campagne de Biden.

C’est plutôt la preuve d’un certain pragmatisme, qui est aussi une des marques de fabrique de Biden : à court terme, et tant qu’on n’y verra pas plus clair sur le poids des électeurs « Trumpistes » et leur pouvoir de nuisance, le parti républicain n’est manifestement pas prêt à changer d’attitude.

Biden se dit sans doute que l’unité et l’apaisement des tensions aux Etats-Unis ne passe pas forcément par l’unité entre partis politiques, surtout quand le parti minoritaire tente de définir le terme « unité » comme l’obligation d’obtenir des accords bipartisans et l’abandon de toute décision unilatérale – ce qui est quand même osé quand on a perdu les élections à la Présidence et au Congrès.

C’est d’ailleurs ce qui fait aujourd’hui l’objet d’une guerre de communication entre républicains et les démocrates. Le camp Biden traduit les engagements à réconcilier le pays en premier comme une obligation de moyens : promouvoir le dialogue, tenter d’obtenir des compromis, apaiser les tensions, ce qui résume certains soutiens de Biden par la formule « unité  ne signifie pas unanimité ». Ce n’est pas rien que la Maison Blanche a ainsi mis en scène une réunion entre Biden et les sénateurs républicains ayant formulé la contre-proposition évoquée précédemment.

Biden mise sans doute surtout sur le fait que, du point de vue des américains ordinaires, ce n’est pas la procédure aboutissant à de nouvelles mesures de soutien qui compte, mais bien le contenu de ces mesures et justement celles rejetées par les républicains : la hausse du salaire minimum, l’octroi d’un chèque conséquent, l’aide à la garde d’enfants, etc.

Montrer aux américains que Washington peut fonctionner, ce n’est pas faire une photo rassemblant démocrates et républicains pendant la ratification d’un loi de compromis vidée d’une partie de sa substance, c’est soutenir rapidement et significativement l’économie. Pour reprendre l’expression de Robert Gibbs, porte-parole de la Maison-Blanche pendant le premier mandat de Barack Obama, « ce n’est pas du patinage artistique, il n’y a pas de note artistique ».

On aurait tendance à donner raison à cette approche : après tout, au vu de la défiance envers le personnel politique qui prévaut actuellement aux Etats-Unis, les cris d’orfraie des élus républicains, se lamentant de voir Biden refuser de jouer le jeu du « bipartisanisme » une fois qu’ils sont dans l’opposition, ont-ils vraiment un impact sur le grand public, au-delà des téléspectateurs assidus des talks shows radio et télé incendiaires (qui sont sans doute largement « irrécupérables », même pour un optimiste comme Biden) ?

Les premiers sondages de popularité concernant Biden montrent le situent à plus de 50% d’opinions favorables et seulement 35% d’opinions défavorables. Surtout, un sondage de Marist Poll indique que 55% des américains estiment que Biden cherche effectivement à unir les américains plutôt qu’à les diviser et ce malgré les déclarations que multiplient les républicains. Il n’est en réalité pas vraiment surprenant qu’une majorité d’américains – tout au moins ceux qui reconnaissent le victoire de Biden… – trouvent normal que le vainqueur de l’élection mette en œuvre rapidement une partie de ses promesses de campagne et à régler les problèmes urgents du pays.

Pour rassembler les américains et recréer un semblant d’unité nationale, Biden mise sans doute sur sa capacité à projeter l’image d’un Président et d’une administration compétents, travailleurs, au service des américains pour traiter la pandémie et redresser l’économie.

Encore une fois, la clé pour Biden, est de réussir à vacciner de nombreux américains et à créer les conditions d’une reprise économique solide et effective et surtout perceptible par l’ensemble des américains. Si les républicains ne veulent pas l’aider et préfèrent miser sur son échec, cela ne peut que le désoler mais tant pis pour eux. Et si, voyant la situation s’améliorer, une partie des républicains changent d’attitude et se mettent à collaborer (vaudra-t-il mieux continuer à diaboliser les démocrates ou tenter de s’arroger une part des bénéficies de la sortie de crise ?), Biden aurait fait la preuve de sa capacité à rassembler. Dans tous les cas, il en tirera un bénéfice lors des élections de mi-mandat, et aura peut-être dès lors la possibilité d’avoir deux ans de plus avec un Congrès démocrate pour continuer à agir.

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