Un Super Tuesday riche d’enseignements sur les bases électorales des deux prétendants démocrates

L’analyse un peu détaillée des résultats par état et par type d’électorat est riche d’enseignements sur les dynamiques respectives des campagnes des désormais deux seuls rivaux, Joe Biden et Bernie Sanders.

Commençons par Joe Biden. Le résultat de la Caroline du Sud n’étaient pas un trompe l’œil sur l’adhésion des afro-américains du Sud à sa candidature. Ils ont massivement voté pour lui mardi, de même qu’il semble avoir également obtenu, certes avec une marge moindre, le vote afro-américain en Californie ou au Texas. Il dispose là a priori d’une base très solide et utile pour la nomination comme dans la perspective d’une éventuelle élection générale, d’autant que la participation des électeurs afro-américains a été très importante et comparable à celle de 2008 pour la première élection de Barack Obama.

Les ralliements derrière Biden ont joué à plein et expliquent sans aucun doute ses victoires dans le Minnesota (l’état dont Amy Klobuchar est sénatrice), le Massachussets ou le Maine. Il y a était très mal placé dans les sondages il y a quelques jours et il a bénéficié des voix des électeurs de Buttigieg et Klobuchar1Et ce même si la possibilité de voter par anticipation offerte dans certains états l’a empêché de bénéficier à plein des ralliements.. C’était un pari car les transferts de voix sont rarement garantis aux Etats-Unis.

Ce faisant, Biden a – enfin, car c’est son credo depuis le début – fait la preuve de sa capacité à rassembler et mobiliser les électeurs. On l’a déjà dit : l’« électabilité », concept clé de la primaire démocrate, ne se décrète pas, elle se prouve. En recueillant l’adhésion massive des électeurs afro-américains, il a convaincu les modérés et une partie de l’électorat ouvrier ou des classes moyennes de banlieues – qui faisaient partie théoriquement de son socle électoral – qu’il pouvait être élu et ils se sont ralliés massivement2Les observateurs font souvent l’analogie avec la campagne d’Obama en 2008. Le vote afro-américain ne lui a été acquis que lorsqu’il a fait la preuve, en gagnant le caucus de l’Iowa, que les électeurs blancs ruraux et ouvriers pouvaient voter pour lui.. Biden a ainsi significativement élargi et consolidé sa base.

Du côté de Bernie Sanders, les constats sont évidemment inverses. Le résultat impressionnant obtenu par Sanders dans le Nevada (près de 50% des voix, alors qu’il y avait au moins 5 ou 6 autres candidats sérieux, même si Bloomberg n’était pas qualifié pour ce scrutin) était sans doute, lui, un trompe l’œil. Bernie a finalement fait beaucoup moins bien en Californie ou au Texas, là où les électorats auraient pu sembler similaires (présence de latinos et de jeunes, pour faire vite).

Sanders fait moins bien dans certains états (par exemple dans le Nord Est et même dans le Vermont dont il est sénateur) qu’il y a 4 ans contre Hillary Clinton. Joe Biden pourrait bien être un adversaire plus compliqué à affronter qu’Hillary Clinton. La tentative de tirer profit des ralliements massifs enregistrés par Biden en criant au complot et en se présentant toujours plus comme le candidat anti-système n’a d’ailleurs apparemment pas eu d’effet positif pour Sanders.

Si Bernie Sanders profite du travail de fond mené depuis 4 ans auprès de l’électorat latino, Biden parvient néanmoins à limiter l’écart dans cet électorat : 35% des latinos auraient voté Sanders contre 26% pour Biden3Sondage de sortie des urnes réalisé par le Washington Post.. Au contraire, Sanders n’a pas réussi à percer suffisamment dans l’électorat afro-américain : Biden remporte 58% des votes afro-américains (on s’intéressera bientôt à cette question) contre 17% pour Sanders, ce qui est à peine mieux que Bloomberg (15%) alors même que ce dernier a été constamment attaqué pour sa gestion policière discriminatoire quand il était maire de New York.

Sanders recueille moins de ralliements de poids que son concurrent. Ainsi Elizabeth Warren, pourtant progressiste elle aussi, s’est retirée sans appeler à ce stade à voter ni pour Sanders ni pour Biden.

Ainsi, la théorie selon laquelle la dynamique de sa campagne lui permettrait de rassembler les électeurs démocrates au-delà de sa base initiale est fragilisée et Bernie va devoir démontrer rapidement qu’il a de nouvelles ressources pour rebondir…

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