Quand Super Tuesday montre que l’argent ne fait pas tout

Au-delà des résultats chiffrés, le « Super Tuesday » était très attendu par les observateurs car il allait permettre de confronter l’efficacité des approches différentes des candidats. On pourrait appeler cela la « guerre entre les M » : momentum, mouvement et money.

Le « momentum » pour Joe Biden, qui arrivait sur la lancée de son résultat en Caroline du Sud et avec des ralliements d’autres prétendants, mais avec une campagne de terrain très limitée voir nulle dans certains états (pas de comité local ou de staff sur place, peu de réunions publiques),

Le « mouvement » pour Bernie Sanders, qui s’appuie sur des comités locaux et des militants hyper-actifs, des réunions publiques enthousiastes, avec l’idée de mobiliser au maximum son électorat et de rallier des nouveaux électeurs grâce à l’action de terrain,

Et « money » pour Michael Bloomberg, qui aura dépensé en environ 2 mois en vue de Super Tuesday un budget pour la publicité télévisuelle de 500 millions de dollars1Pour donner une référence américaine, ce montant dépasse celui dépensé par Hillary Clinton ou Donald Trump sur l’ensemble de leur campagne en 2016 (i.e. primaire et élection générale). alors que ses adversaires ont souvent été obligés de faire l’impasse sur certains états et de limiter leurs dépenses.

Le résultat est sans appel :

    • l’argent de Michael Bloomberg a été loin de compenser ses piètres prestations dans les deux débats auxquels il a participé, son arrivée tardive dans la campagne et ses handicaps en matière de programme et de bilan. Pourtant son spot de campagne lors de la mi-temps du Superbowl a été sans doute vu par 100 millions d’américains. Mais les électeurs de la primaire sont les militants et vont sans doute au-delà des spots télévisés pour faire leur choix.
    • L’active campagne de terrain de Bernie dans le Sud et auprès de l’électorat afro-américain n’a pas porté ses fruits.
    • Biden a remporté certains états sans y avoir fait campagne réellement, comme dans le Minnesota. Sa campagne de terrain presque exclusivement dans les états du Sud et en Caroline du Sud notamment, a créé une mobilisation bien plus large.

Les experts ont été très étonnés au premier abord, tant les campagnes de terrain et les spots télévisés sont considérés comme indispensables. La renommée personnelle de Biden joue évidemment. Mais les ralliements et le traitement médiatique de ces derniers lui ont aussi offert une exposition médiatique positive importante… et gratuite puisque cela a constitué les gros titres de la presse et des télévisions pendant les 2 jours précédents le scrutin. Car aux Etats-Unis, pas de règles sur l’équilibre des temps de parole, pas de de campagne officielle télévisée répartissant des temps d’antenne, etc. Et on se rappelle alors que Trump avait lui-même peu dépensé en spots de campagne, tant il était omniprésent sur les écrans même si c’était le plus souvent pour être moqué et critiqué.

Il ne faut évidemment pas considérer que désormais seul le « momentum » comptera. Chaque primaire se déroule dans un contexte différent, avec des règles différentes (certaines sont ouvertes à tout citoyen désireux de voter, d’autres sont réservés aux citoyens préalablement enregistrés comme militant du parti concerné, etc.).

Surtout, un mouvement et des militants seront sans doute indispensables pour mobiliser les électeurs en novembre, alors que la participation sera un déterminant crucial. Et si l’argent n’a pas permis d’acheter cette primaire, les spots télévisés restent un outil majeur pour l’élection générale et pour toucher des électeurs moins politisés que ceux de la primaire. S’il est raillé pour ces jours-ci pour ses dépenses inutiles (y compris par le Président Trump), la puissance financière de Michael Bloomberg, s’il respecte son engagement de la mobiliser au profit du candidat démocrate, sera manifestement un atout pour le nominé démocrate.

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